SERGE GUMY / JUSTIN FAVROD | 10.10.2009 | 00:01
Chrétien convaincu et ministre ferme de l’Immigration, le conseiller d’Etat libéral vaudois Philippe Leuba n’était pas attendu comme pourfendeur de l’initiative antiminarets. Il rejette pourtant le texte de l’UDC et de l’Union démocratique fédérale. Il s’en explique.
– Pourquoi rejetez-vous l’initiative visant à interdire la construction de nouveaux minarets en Suisse?
– Les questions religieuses, comme l’érection de minarets, sont de compétence cantonale et doivent le rester. L’aménagement du territoire et les règles en matière de construction sont aussi de compétence cantonale, voire communale. C’est donc une erreur de vouloir modifier la Constitution fédérale. Mais ce sont des raisons secondaires à mon opposition.
– Alors, quelle est votre motivation première?
– L’initiative apporte une mauvaise réponse à de bonnes questions. La population s’interroge sur l’intégration des musulmans en Suisse, sur leur soumission au droit suisse. Concrètement, se posent à nous aujourd’hui des questions comme la participation des filles aux cours de natation, le port du voile à l’école, l’égalité entre hommes et femmes ou la formation des imams. Mais à toutes ces questions légitimes, l’interdiction de minarets ne répond absolument pas.
– Quelles réponses apporter?
– En appliquant à tous la loi et en refusant le communautarisme. Ainsi, en 1993, le Tribunal fédéral avait accepté qu’une jeune musulmane soit dispensée de natation au nom de la liberté de conscience. En 2008, le même tribunal a refusé une dispense en affirmant que la loi est la même pour tous. C’est un revirement considérable qui dit que notre pays refuse le communautarisme et exige l’intégration.
– Le communautarisme, danger réel dans le canton ou fantasme?
– Le risque est actuellement plus théorique que réel. Or, c’est à cette crainte théorique que l’initiative entend répondre. Mais vous ne lutterez pas contre le communautarisme en combattant l’érection de minarets! Au contraire, l’initiative le renforce en créant des exceptions spécifiques aux musulmans! Elle croit faire baisser la fièvre en cassant le thermomètre!
– En quoi l’intégration des musulmans serait-elle plus difficile?
– Héritier du droit romain, du christianisme et des Lumières, l’ordre légal des pays occidentaux repose sur un principe essentiel: la séparation du temporel et du spirituel. Les pays musulmans ne connaissent pas cette distinction. C’est une différence fondamentale.
– Les minarets, pour les initiants, symbolisent la volonté de conquête de l’islam. Et pour vous?
– Non, je ne vois pas dans le minaret la baïonnette au bout du fusil.
– Ça veut dire qu’on peut construire sans problème des minarets dans le canton?
– Je n’ai pas dit ça. Je comprends d’ailleurs que ça puisse déranger les voisins. M’y opposerais-je moi-même s’il y avait un projet à Chexbres? Question théorique, il n’y a pas de mosquée dans ma commune. Mais le minaret de Genève ne me dérange pas, car il correspond à un lieu de culte et à une communauté.
– Vos réponses à l’immigration musulmane paraissent très juridiques, et peu politiques…
– Mais quel est l’outil du politique? Le droit!
– Au fait, que connaissez-vous de l’islam?
– Je n’ai certes pas étudié le Coran. Par contre, j’ai lu une volumineuse étude sur l’islam en Suisse et approfondi la question avec de nombreux spécialistes, dont le Pr Yves Besson de l’Université de Fribourg. J’ai aussi voyagé plusieurs fois dans des pays musulmans.
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