mercredi 14 octobre 2009

Hier, on interdisait les clochers

Christian van Singer, conseiller national écologiste, est l’invité de la rubrique Opinion de 24 Heures, à propos de l’initiative contre la construction de minarets.

Les initiants qui veulent interdire la construction de minarets en Suisse n’ont rien inventé.

En 1536, les Bernois occupant le canton de Vaud décrétaient l’interdiction complète du culte catholique, sauf dans le district d’Echallens, bailliage commun de Berne et Fribourg.

Les catholiques lausannois devront attendre trois siècles pour bâtir, en 1832, leur première église, Notre-Dame du Valentin, et encore, sans pouvoir ériger un clocher!

Une loi de 1810 leur avait enfin accordé la possibilité d’ouvrir une salle de culte, mais à condition que l’édifice n’ait pas l’apparence extérieure d’une église. «Le bâtiment où se célébrera le culte n’aura ni cloche, ni clocher, ni aucun signe extérieur de sa destination.»

Une interdiction semblable était aussi en vigueur dans d’autres cantons à majorité protestante.

Les préjugés à l’encontre des catholiques y étaient vivaces, on leur reprochait, comme aux musulmans aujourd’hui, de dépendre de l’étranger, de ne pas respecter la liberté de conscience et la liberté de la presse, d’avoir trop d’enfants… On critiquait le caractère autoritaire et passéiste d’une religion ne respectant pas la liberté individuelle!

Et certains cantons catholiques appliquaient les mêmes restrictions aux protestants: on tolérait des lieux de culte pour les confessions minoritaires, mais sans clocher.

Ces discriminations ont précédé et favorisé la guerre de religion du Sonderbund, entre les cantons catholiques, conservateurs, et les cantons protestants, plus progressistes.

Même si, la guerre terminée, la Constitution vaudoise de 1861 a assuré la liberté de culte, ce n’est qu’en 1935 que Notre-Dame du Valentin eut son campanile.

J’espère que l’initiative «contre la construction de minarets», lancée pour des motifs politiciens, n’exacerbera pas les tensions interreligieuses, dépassées depuis longtemps en Suisse.

On ne peut nier qu’il y ait des musulmans fanatiques, qui n’apprécient pas nos institutions et n’ont aucune envie de s’intégrer: ils aimeraient importer chez nous burqas et charia… Mais ils sont une petite minorité, et l’interdiction des minarets, loin d’être un signal contre ces extrémistes, risque de contribuer à la marginalisation et à la radicalisation de nombreux jeunes musulmans, qui ne comprendraient pas cette inégalité de traitement. C’est en refoulant les gens dans la marginalité qu’on les pousse au fanatisme.

De nombreux pays à majorité musulmane, tels l’Indonésie, acceptent la construction d’églises avec un clocher. Nous n’allons quand même pas imiter les plus intolérants, qui l’interdisent!

Le ciel suisse est assez vaste pour qu’à côté de milliers de clochers se dressent quelques minarets!

Respectons les principes fondamentaux de notre Constitution. Egalité devant les lois, libertés religieuses: tous les croyants respectueux de nos lois doivent pouvoir pratiquer leur foi.

La paix des religions et une intégration réussie sont dans l’intérêt de tous. Et des facteurs de la paix civile.

Quant aux extrémistes, qu’ils soient religieux ou politiques, ce n’est, hélas, pas l’interdiction des minarets qui les empêchera de sévir. Le non à l’initiative s’impose.

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