jeudi 27 août 2009

Deux requérants d’asile recueillent une fugitive

 

© Lydie Mercier | Muryell et Boubacar. Le couple a été remercié par la cheffe de la police et par l’Hospice général.

Le couple a été remercié par la cheffe de la police pour son geste. Un article de Chloé Dethurens dans la Tribune de Genève.

Deux requérants d’asile, résidant au foyer des Tilleuls à Cointrin, sont venus en aide à une femme disparue dans la nature depuis cinq jours. Malgré leur situation précaire – l’un est débouté et la seconde en attente d’une réponse de Berne – les deux jeunes gens ont pris l’infortunée sous leur aile jusqu’à l’arrivée des secours.

Les faits se sont produits début août. Muryell, gabonaise et bénéficiaire d’un permis N, est assise devant l’aérogare et attend le bus. Elle aperçoit alors une femme, pieds nus et noircis par la poussière, vêtue d’une tenue africaine. Celle-ci entre dans le hall puis en ressort «sans cesser de marmonner», décrit Muryell. Visiblement perdue, cette femme âgée d’une trentaine d’années s’adresse alors à la jeune Africaine. «Elle m’a dit qu’elle avait faim. Ses lèvres étaient blanches. Elle regardait sans cesse de gauche à droite.»

Muryell lui propose alors de l’accompagner jusqu’au foyer pour requérants des Tilleuls près de l’aéroport, où elle réside, afin de lui donner quelque chose à manger. En chemin, la jeune femme perçoit les signes d’un comportement étrange. «Elle disait qu’elle avait vu des gens morts à Genève, qu’il y avait des terroristes, qu’elle voulait émigrer en Afrique.»

Affamée et terrorisée

Sur place, Muryell et son ami guinéen Boubacar offrent vêtements, sandales et nourriture à l’infortunée, puis lui lavent son linge. «Cela faisait plusieurs jours qu’elle n’avait pas pris de douche. Elle était terrorisée et ne tenait pas en place. On n’a trouvé sur elle que sa carte d’identité, une carte bancaire, une carte d’assurance, un maillot de bain et un ticket d’entrée aux Bains des Pâquis.»

N’arrivant pas à la calmer, les deux jeunes gens cherchent sur Internet un lieu d’accueil où emmener leur protégée. Mais vu son état d’anxiété, ils changent d’avis. «Nous n’avons pas le droit d’accueillir des personnes au foyer, nous devions donc agir, raconte Boubacar. Mais nous ne savions pas si elle avait été violée ou peut-être battue… Nous avons donc appelé la police pour voir si elle n’était pas recherchée.»

C’est effectivement le cas. La malheureuse est une patiente de la clinique de Belle-Idée et s’est échappée de l’établissement voilà déjà cinq jours. Dix minutes plus tard, la police arrive au foyer, suivie d’une ambulance. Terrorisée, la fugitive demande à Muryell de l’accompagner à l’hôpital. Celle-ci accepte et fait le trajet en sa compagnie.

Une fois la dame prise en charge, les félicitations ne se font pas attendre, à la très grande surprise des deux requérants. La cheffe de la police Monica Bonfanti et la direction de l’Hospice général adressent même une lettre de remerciements au couple. «Les ambulanciers n’arrêtaient pas de dire merci. Les policiers sont restés pendant trente minutes à discuter avec moi de cet acte qu’ils considéraient comme extraordinaire! Cela nous a fait rire car pour nous, c’est naturel, s’étonne Boubacar. C’est une tradition chez nous de ne pas laisser les gens dans la détresse.»

Une réaction partagée par Muryell: «Au fond de moi, ces réactions me rendent triste car cela montre qu’il n’y a plus d’humanité.» Le responsable du foyer de conclure: «C’est difficile pour eux de rester positif, de faire des projets avec cette peur permanente de recevoir un recommandé de Berne. Quand on voit une personne comme Boubacar, qui est en Suisse depuis huit ans et qui s’implique comme cela, on ne comprend pas la décision qui a été prise le concernant.»

1 commentaire:

Julie a dit…

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