Le Fonds national de la recherche a présenté le fruit d’une étude initiée en 2003. L’orientation et la banalité du propos sont pointés du doigt. Un article de Patrick Chuard dans 24 Heures.
A première vue, le bilan est maigre. L’étude sur l’extrémisme de droite, entamée en 2003 et présentée hier (lire ci-dessous), n’apporte aucune révélation. Valait-il la peine que le Fonds national de la recherche scientifique (FNS) engloutisse 4 millions de francs pour financer cinq ans de recherches? Certains politiques tirent à vue: «Une absurdité, du grand n’importe quoi!» selon Hans Fehr (UDC/ZH).
Il faut dire que cette étude – initiée notamment après que des skinheads ont chahuté Kaspar Villiger, au Grütli, en 2000 – s’est attachée à examiner les liens entre l’extrémisme et le populisme en politique. En désignant clairement l’UDC. «Plus le populisme de droite gagne en importance, plus l’extrémisme de droite arrive à capter l’attention», observent en substance les chercheurs. Hans Fehr y discerne un «plan pour pouvoir attaquer une nouvelle fois l’UDC et la taxer d’antidémocratique et de raciste». Son collègue de parti, Yvan Perrin, renchérit: «Le côté scientifique n’arrive pas à masquer une certaine idéologie, voire une aversion pour l’UDC, dit-il. Cela ne me gêne pas. Ce qui me gêne c’est qu’on paie cela avec les deniers publics!»
Critiques balayées par Marcel Niggli, professeur de droit à Fribourg et directeur de la recherche: «Il n’y a rien de politisé, c’était une décision scientifique d’ouvrir le champ de recherches à l’environnement politique, comme on l’a fait pour le sport, par exemple, en abordant le problème du hooliganisme.» Il ajoute que «4 millions, ce n’est pas une somme exagérée: une cinquantaine de chercheurs en sciences humaines (sociologues, historiens…) a travaillé sur treize projets au total.» Et sur le fait que l’étude n’apporte rien de neuf? «Peut-être, mais c’est la première fois qu’on abordait le phénomène avec une méthodologie et des résultats empiriques.»
«Regard partiel»
L’étude enfonce toutefois des portes ouvertes. Notamment lorsqu’elle conclut qu’il existe une «divergence entre la société et le besoin marqué d’identité nationale et de défense vis-à-vis de l’étranger qu’éprouvent de nombreux citoyens». Charles Kleiber, ancien secrétaire d’Etat à l’éducation et à la recherche, admet «qu’on peut se demander s’il fallait investir 4 millions pour une critique de l’UDC. Mais, en l’occurrence, je ne crois pas que ce soit le cas. Et de telles études font tourner la recherche, ce sont des postes scientifiques qui sont en jeu.»
Une manière de dire que l’essentiel est de financer des recherches, quels que soient les résultats? Pierre Weiss, président du Parti libéral et lui-même sociologue, ne se prononce pas sur cette question. Mais il regrette «le regard partiel, voire partial, de l’étude». Une telle recherche s’avère «nécessaire, dit-il, à condition de prendre en compte tous les aspects de l’extrémisme, y compris religieux, de gauche ou les attitudes qui consistent à soutenir des mouvements comme le Hamas». Marcel Niggli abonde, mais rétorque que le mandat du Conseil fédéral se limitait strictement à l’extrême-droite.
Peu d’activistes, beaucoup de racistes
Il n’y aurait que 1200 activistes d’extrême-droite en Suisse, un chiffre stable depuis plusieurs années. L’extrémisme pourrait potentiellement concerner 4% de la population. Voici deux des résultats de l’étude financée par le Fonds national. Celle-ci souligne que «les attitudes et comportement extrémistes» sont «avant tout le fait de jeunes adultes» dont «la violence ne représente pas une menace aiguë pour l’Etat». L’étude met en perspective des liens entre l’extrémisme et le populisme en politique, les médias, le sport et les conditions socioculturelles. Elle éclaire surtout une attitude xénophobe dans une grande partie de la population.
L’un des travaux, appelé «Mesurer la misanthropie et l’extrémisme de droite en Suisse», sondant 3000 personnes, montre que 20% de la population présente des attitudes antisémites, 30% islamophobes; 50% des sondés auraient peur de l’étranger et 40% auraient des attitudes sexistes. «Cette méthode de sondage reprend des outils déjà appliqués en Europe et les chiffres correspondent aux résultats de l’Allemagne», signale Marcel Niggli, président du conseil de direction de la recherche.
P. C.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire