lundi 23 février 2009

Des locataires chassés pour faire place aux requérants

Pour faire face à l’accroissement des requérants qui lui sont attribués par Berne, l’Etablissement vaudois d’accueil des migrants a besoin de plus d’appartements. Il récupère donc ceux qu’il possède et qui sont occupés par des personnes en situation régulière. Un article de Raphaël Ebinger dans 24 Heures.

Nathalie Trolliet a reçu le 24 décembre la résiliation du bail de son appartement, propriété de l'EVAM. Pully, le 20 février 2009 (Vanessa Cardoso) Entre deux cartes de vœux, une lettre de résiliation de son bail au 31 mars. Le 24 décembre dernier, Nathalie Trolliet est choquée. Locataire depuis 1993 du numéro 4 de l’avenue de la Rapille, à Prilly, elle apprend alors qu’elle a trois mois pour se reloger. Avec ses trois voisins qui ont reçu le même courrier, elle est d’autant plus estomaquée en apprenant dans la missive que des requérants d’asile reprendront les appartements en question. Dans le climat tendu sur le marché locatif, la pilule est amère. «Une mauvaise nouvelle comme celle-là, annoncée la veille de Noël… Sur le moment, j’étais effondrée. Je me voyais déjà à la rue…» se souvient cette infirmière, qui a entre-temps trouvé un nouveau logement à Lausanne.

Propriétaire de l’immeuble, l’EVAM (Etablissement vaudois d’accueil des migrants) admet sa maladresse. «La collision de dates n’est pas très heureuse, avoue son directeur, Pierre Imhof. Mais la lettre de résiliation devait bien arriver un jour.» Et d’assurer que son service gérance sera sensible à la situation personnelle des locataires qui porteraient l’affaire en séance de conciliation.

Si quatre résiliations de bail ont été signifiées à l’avenue de la Rapille, à Prilly, l’EVAM a entamé une telle procédure auprès de trente de ses locataires sur l’ensemble du canton. Car son besoin en appartements est grand avec la vague de requérants arrivant actuellement en Suisse. Depuis octobre de l’an passé, 150 personnes supplémentaires ont ainsi trouvé une place dans un logement individuel.

L’effort est important pour l’EVAM, qui possède pourtant un parc immobilier qui compte 22 immeubles proposant un peu plus de 200 appartements. Pour loger le solde de requérants ayant droit à un logement hors des centres, un millier d’appartements sont loués à des tiers.

Dans le juste légalement

Il n’empêche, si la manière de procéder pour récupérer ses logements à de quoi étonner, l’EVAM est parfaitement en règle avec la loi. «Légalement, nous sommes dans le juste pour répondre à la mission qui nous est confiée par la Loi sur l’aide aux requérants d’asile et à certaines catégories d’étrangers (LARA)», souligne Pierre Imhof. Cette mission consiste justement à loger des migrants en attente de permis et personne d’autre. «Depuis l’entrée en vigueur de la LARA, il n’existe pas de cadre légal nous permettant de louer des appartements à une autre population que celle qui nous est attribuée, estime encore le directeur. On n’aurait donc pu nous reprocher ce fait.»

Mais pourquoi son service de gérance loue-t-il encore des objets à des personnes suisses ou possédant des permis de séjour? Cette bizarrerie s’explique historiquement. En effet, une partie de ces personnes habitaient dans un appartement qu’ils ont conservé quand la Fareas, ancêtre de l’EVAM, a acheté leur bâtiment. Une autre partie est constituée d’anciens bénéficiaires des prestations de l’EVAM qui ont gardé jusqu’à aujourd’hui le logement qui leur avait été attribué.

La vague de nouveaux requérants a donc sonné le glas de ces privilèges. Sur un plan strictement économique, il est ainsi parfaitement logique pour l’EVAM de récupérer ses appartements plutôt que d’en louer à des tiers. «Nous ne savons pas non plus si la tendance actuelle sur le front de l’immigration va continuer, assure Pierre Imhof. Nous devons donc être attentifs à ne pas conclure trop de baux avec des régies. Car, au final, une partie des objets loués pourraient se retrouver rapidement inoccupés…»

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