jeudi 15 janvier 2009

Le Conseil fédéral veut expulser les étrangers en cas de délit grave

En réponse aux moutons noirs de l’UDC, le gouvernement propose un tour de vis contre les délinquants étrangers. La pratique des cantons est aussi visée par Berne, qui veut unifier les pratiques. L’UDC ne retirera cependant pas son initiative. Un article de Xavier Alonso pour 24 Heures.

«Entre la possibilité d’expulser et l’obligation d’expulser, l’UDC choisit clairement l’obligation. Il y a encore une trop grande latitude d’interprétation.» Le vice-président de l’Union démocratique du centre, Yvan Perrin, critique vertement le contre-projet du Conseil fédéral, présenté hier à Berne par la ministre de la Justice, Eveline Widmer-Schlumpf. L’UDC ne retirera donc pas son initiative – ses fameux moutons noirs avaient récolté 210 000 signatures alors que 100 000 suffisent – et continue donc de promouvoir l’automatisme de l’expulsion pour les délinquants étrangers: l’obligation d’Yvan Perrin.

Pratiques cantonales visées

Dans son contre-projet, le Conseil fédéral entend révoquer les autorisations de séjour – donc expulser – de manière proportionnée, soit seulement en cas d’infraction pénale grave (peine de prison d’au moins deux ans). Le tour de vis par rapport à la loi actuelle se situe surtout dans l’application de la loi par les cantons. Dont la marge d’appréciation est jugée trop importante. «Elle doit disparaître et nous nous devons d’unifier la pratique», a expliqué la ministre grisonne. Les statistiques le montrent bien (lire ci-dessous).

A Genève, le ministre de la Justice, Laurent Moutinot, n’a pas souhaité commenter ce contre-projet. «Il consacre la pratique vaudoise», a par contre salué Philippe Leuba, son homologue vaudois – le bon élève des cantons – qui s’exprimait «à titre personnel», car la décision fédérale entre en phase de consultation. «Il serait faux de dire que nous sommes les plus durs, nous veillons simplement à appliquer la loi», nuance Philippe Leuba, qui rappelle la nécessité de tenir compte des «facteurs humains». A l’instar d’Eduard Gnesa, directeur de l’Office fédéral des migrations, qui a fustigé l’initiative de l’UDC. «Elle ne laisse pas de marge d’appréciation dans le sens du respect de la famille.»

Justifier les décisions de non-expulsion

En clair, les cantons devront désormais justifier leurs décisions lors des peines graves infligées à des délinquants étrangers, selon un juriste du Département fédéral de justice et police. Et expliquer pourquoi l’expulsion n’est pas prononcée dans un cas particulier. «Le cadre est plus serré. Mais il y a un pas en deçà de ce que demande l’UDC qui, par automatisme, expulserait pour une peine de deux ans un étranger né en Suisse, et dont toute la famille réside ici.»

© KEYSTONE | Eveline Widmer-Schlumpf veut durcir la pratique de l’expulsion des étrangers délinquants. Pour la ministre de Justice et police, l’intérêt collectif doit primer sur celui du criminel à séjourner en Suisse. Mais il y a un pas en deçà de ce que demande l’UDC, qui exige l’expulsion automatique des étrangers punis d’au moins deux ans de prison. Néanmoins, le durcissement demeure manifeste. «On peut partir de l’idée que l’intérêt collectif prime l’intérêt du criminel à séjourner en Suisse», a insisté Eveline Widmer-Schlumpf, qui a aussi avancé le respect du principe de proportionnalité et du droit international. Le Conseil fédéral ne pouvait rester les bras croisés face au ras-le-bol exprimé par une partie de la population et de la police. Ainsi à Genève, au sein des forces de l’ordre, on cite le cas de délinquants inexpulsables déjà appréhendés dix-sept fois.

Les délinquants apatrides

La nouvelle loi changera- t-elle quelque chose? Non, pas davantage que l’aurait fait le projet de l’UDC pour les cas «très particuliers des délinquants apatrides», explique-t-on au Département de justice. Les accords de réadmission avec certains pays – des protocoles qui règlent les modalités de renvoi des expulsés – sont parfois difficiles à mettre en œuvre, Mais «les différences entre certains grands cantons ne sont le fait que de leur propre application ou non de la loi, sans doute motivée par la politique. Car à quelques nuances près la délinquance à Zurich, Lausanne ou Genève est le fait d’individus issus des mêmes pays.»

Satisfait, le Parti libéral-radical applaudit un contre-projet qui suit celui proposé par le parti, mais rejeté en commission. Le Parti socialiste, quant à lui, a fait part de sa retenue.

La moyenne des expulsions par canton

VAUD 80 à 90 expulsions par an.

GENÈVE 10 à 15

LUCERNE 84

ZURICH 61

SAINT-GALL 30 à 40

BÂLE-VILLE 19

BERNE 13

VALAIS 10 à 15

FRIBOURG 8

NEUCHÂTEL 7

JURA 2

AUTRES CANTONS: Argovie 19 et les Grisons 13. Tous les autres cantons expulsent moins de 10 délinquants étrangers par année.

Cette estimation fournie par les cantons du nombre moyen d’étrangers délinquants expulsés chaque année est parue dans L’Hebdo en février 2008. Selon nos sources, elle est encore valable.

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