Près de 630 000 francs. C'est ce que l'Etat de Fribourg a empoché indûment des candidats à la naturalisation durant toute l'année 2005. Les communes de domicile en ont fait autant, pour un montant du même ordre de grandeur.Dans la plus parfaite illégalité, vient de trancher le Tribunal cantonal administratif (TCA) dans une décision mise mercredi sur son site internet: l'entrée en vigueur de la nouvelle Constitution cantonale, le premier janvier 2005, avait mis le denier de naturalisation hors la loi avec effet immédiat. Un article d'Antoine Rüf dans la Liberté.
L'abrogation de cette taxe, clairement exigée dans la Constitution de 2004, n'avait pas besoin d'être ancrée dans une loi pour entrer en vigueur en même temps que la Constitution elle-même, vient de décider le TCA. Il donne ainsi raison à un nouveau citoyen, à qui la commune de Marly réclamait 5700 francs de denier de naturalisation pour une décision du Conseil général prise le 14 décembre 2005. Quinze jours avant l'entrée en vigueur d'une seconde interdiction de ce fameux denier, ancrée elle dans la loi fédérale sur la nationalité.
«Parfaitement claire»
Pas de chance: le candidat était... un professeur de droit de l'Université bien informé du fonctionnement des institutions suisses et de ses droits constitutionnels.Pour la commune, comme pour le lieutenant de préfet, qui a rejeté le recours du professeur, les modifications que la Constitution de 2004 a introduites dans la procédure de naturalisation devaient être ancrées dans une loi pour pouvoir être applicables. C'est vrai pour les deux premiers paragraphes de l'article 69 de la Constitution, qui fixent les principes de base d'un programme à concrétiser par le législateur pour faciliter l'intégration et les naturalisations des étrangers, estime le TCA.ça ne l'est pas pour le troisième, qui dit que canton et communes ne prélèvent qu'un émolument administratif pour l'octroi du droit de cité.Cette disposition est «parfaitement claire», pour le TCA, et exclut toute autre taxe ou denier, sans laisser de marge de manœuvre au législateur. Le conseiller d'Etat Pascal Corminbœuf l'avait admis deux mois avant que son Service de l'état civil envoie la facture contestée, souligne le TCA.L'article constitutionnel pouvait donc, et devait même, entrer en vigueur immédiatement, a tranché le juge en admettant le recours du désormais citoyen.
Un certain embarras
A Marly, le secrétaire Luc Monteleone ne cache pas un certain embarras. «Nous avions des informations contradictoires du Service des naturalisations, nous étions dans un certain flou», argumente-t-il.Un flou désormais dissipé. Sur le principe, car pour le cas concret des naturalisations décidées par l'assemblée communale durant l'année 2005, des questions délicates doivent encore être réglées en fonction de la date de dépôt de la demande. Marly ne facturait son denier qu'au terme de la procédure, c'est-à -dire avec un décalage pouvant aller jusqu'à deux ou trois ans.«Nous avons bien sûr annulé notre facture dans le cas du recourant», indique le secrétaire communal. «Mais nous n'avons pas encore abordé le cas des autres naturalisés de cette période. La Commission de naturalisation abordera le problème globalement, lors de sa prochaine séance, probablement ce mois encore.»Il est trop tôt, donc, pour savoir si la commune va rembourser tous les naturalisés concernés. «Il faudra reprendre chaque cas et décider au cas par cas», estime Luc Monteleone.Il laisse entendre que Marly empoignera le problème sans attendre une éventuelle vague de réclamations. «Les enjeux financiers sont de toute façon limités: vu ses revenus, l'émolument demandé au recourant était élevé. Il y a eu plusieurs cas à qui nous n'avions demandé que le tarif minimal, conclut le secrétaire communal.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire