vendredi 4 juillet 2008

Au centre de requérants, le désespoir est la règle

Au coeur de la ville, un immeuble abrite des requérants. Tranches de vies sans espoir. Un article signé Alain Walther dans 24 Heures.

L’usage des tranquillisants par les requérants déboutés deviendrait systématique, selon Roger Saugy, député socialiste, qui connaît bien la vie des centres lausannois de Vennes et du Simplon. LAUSANNE LE 2 JUILLLET 2008
PHILIPPE MAEDER


Des moulures rococo sur la façade, un grillage entourant des jeux pour enfants, l’immeuble du 43, rue du Simplon à Lausanne change d’attributions au fil du temps. Ancien hôtel, ancien foyer pour travailleurs, future prison pour détenus en semi-li­berté. Au coeur de Lausanne, cet immeuble de l’EVAM (Eta­blissement vaudois d’accueil des migrants, l’ex-Fareas) vit un dernier été dans l’angoisse et le désespoir. Chaperonnées par la Coordination Asile Vaud, des femmes requérantes déboutées ont envoyé tous azimuts une lettre ouverte. Elles se plaignent des conditions de vie. Elles de­mandent le droit de vivre en appartement, le droit de tra­vailler, la régularisation de leur statut. Au débotté (sans avertir l’EVAM), nous avons passé la porte du Simplon.
«Je
préfère mourir»
Patricia*, Africaine franco­phone, nous accueille dans sa chambre avec placard et lavabo. Une corbeille à fruits est rem­plie de tranquillisants, quelques peluches sur le lit. «Je suis très dépressive.» Enfant abandon­née, la jeune femme est arrivée en Suisse après avoir échappé à une maquerelle, qui voulait la prostituer dans un pays d’Afri­que. Un marchand africain l’a amenée en Italie. Là, elle ren­contre un Neuchâtelois qui en fait sa compagne puis la laisse tomber. Son histoire ne lui a pas ouvert les portes de la Suisse. «Je dois partir, mais je préfère mourir plutôt que de rentrer.» Au Simplon depuis novembre, Patricia se plaint de la sévérité du règlement, de l’interdiction de cuisiner dans sa chambre, de n’avoir aucun avenir ni en Suisse ni dans son pays.
Passe alors Corinne*, en voi­sine. Mère d’un bébé de 1 an, cette autre Africaine ne com­prend pas pourquoi son mari n’a plus le droit de travailler. Ils vivent avec 9 fr. 50 par jour et par personne. «Avec les cou­ches pour l’enfant, on n’y arrive pas.» Les deux femmes n’atten­dent plus rien. La mère va de temps en temps à la place de Milan promener l’enfant. Sinon, rien. Le règlement interdit – pour des raisons de sécurité – les plaques chauffantes dans les chambres. Alors, vaille que vaille, gens de l’Est, d’Afrique et des Balkans cohabitent devant les six cuisinières du local com­mun. De la Russie à Madagas­car, on compte 20 nationalités pour 52 personnes.
A bien y regarder, Corinne et Patricia pensent que le règle­ment est fait pour leur rendre la vie dure. Son bébé sur la han­che, Corinne revendique: «On n’est pas des enfants! Qu’on nous fasse confiance.»

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