«Eh, j’ai entendu qu’on parlait portugais par ici!» interpelle Dolma Buzzi. «Et comment Angelica va vous comprendre?» Penchée sur les cahiers d’un groupe d’élèves, l’enseignante lève le nez pour remettre à l’ordre Soraia et Filipa, assises plus loin avec leur camarade polonaise.
Cet après-midi, les onze adolescents de 13 à 15 ans de la classe d’accueil du collège lausannois de Villamont travaillent par équipes sur les conjugaisons, en fonction de leur niveau. «En fin d’année, il y a de grandes différences entre les élèves», explique Dolma Buzzi. Ils avaient pourtant un point commun à leur arrivée, l’été dernier: ils ne comprenaient pas le français. «La maîtresse nous parlait, mais on ne savait pas ce qu’elle voulait», se souvient Filipa. Depuis, ils suivent dix-sept périodes de français par semaine.
L’ambiance est détendue, mais studieuse. Haylen et Moises préparent un dialogue qui les exerce à l’usage du conditionnel.
Pendant ce temps, cinq élèves planchent sur un exercice plus basique. Dolma Buzzi les interroge un par un. «Mais parle-moi, dit-elle doucement à l’une d’entre eux. Si tu ne dis rien, je ne sais pas si c’est parce que tu ne m’as pas compris ou que tu ne connais pas la réponse. Je ne vais pas te manger, les autres non plus.» Les choses ne sont pas toujours aisées pour certains déracinés. «C’était difficile au début… et ça l’est toujours. Ici, c’est trop différent», note Joana, de Lisbonne.
De leur côté, Angelica, Soraia et Filipa se chamaillent, dans la bonne humeur, pour rédiger un conte. Histoire d’exercer le passé simple et l’imparfait. «Madame, ça veut dire quoi perdu de vue?
On dit comment lorsque quelqu’un se croit beau et fort?» questionnent les jeunes filles.
Pendant ce temps, Alicia, arrivée dans la classe il y a un mois, exerce les verbes être et avoir sur un programme informatique.
L’heure de la sonnerie approche. Moises et Haylen jouent leur saynète sous les applaudissements. Le trio de conteuses récite son histoire. Une faute pour les premiers, deux pour les secondes. «C’est vraiment bien pour un premier récit!» se félicite Dolma Buzzi.
L’année prochaine, les trois jeunes filles devraient d’ailleurs rejoindre une classe de voie baccalauréat, où elles viennent de faire un stage concluant.
Certains élèves iront dans une autre section, alors que d’autres feront encore un bout de parcours en classe d’accueil.
Les onze élèves de la classe d’accueil de Villamont doivent parler français s’ils ne veulent pas être remis à l’ordre par leur professeur. C’est la seule langue que tous ces enfants venus des quatre coins du monde ont en commun. LAUSANNE, LE 27 MAI 2008
PHOTOS CHRIS BLASER
»Comme Vaud, les autres cantons romands privilégient l’intégration en classe régulière
Dans les grandes lignes, le dispositif d’accueil proposé par les cantons romands aux élèves non francophones répond au même esprit. L’idée est de privilégier l’intégration en classe régulière, accompagnée de cours chez les plus petits, alors que les classes d’accueil sont plus fréquentes au niveau secondaire.
Mais il y a des différences.
COURS D’APPUI L’intensité des mesures d’accompagnement aux élèves diverge selon les lieux. Pour les élèves de la 1re à la 4e année intégrés dans les classes régulières, le canton de Berne propose ainsi une à deux périodes d’appui durant six mois, alors que Genève offre un enseignement à mi-temps en structure d’accueil.
CLASSES D’ACCUEIL Exceptionnelles en primaire, elles sont courantes pour les grands élèves, du moins dans les villes. Seul le Valais n’offre aucune classe d’accueil, «essentiellement pour des raisons démographiques», précise Michel Nicolet, collaborateur scientifique de la Conférence intercantonale de l’instruction publique de Suisse romande et du Tessin.
ENFANTINE Le canton de Vaud fait partie des rares cantons offrant des cours de français dès l’école enfantine. «Mais je pense que cela devrait bientôt se faire partout», note Michel Nicolet. Ces dernières années, l’école a en effet pris conscience qu’il était aussi important de donner des bases solides aux tout-petits, pour leur éviter d’apprendre un français approximatif.
Un article de Laure Pingoud pour 24 Heures
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