Les écoliers étrangers sont la cible de politiciens suisses. D’un côté, l’UDC veut leur faire suivre des cours de langue avant même d’être scolarisés. De l’autre, le conseiller national genevois Hugues Hiltpold (PRD) propose de fixer un quota maximal d’élèves non francophones par classe. Un article de Laure Pingoud dans 24 Heures.
Des idées qui font bondir la conseillère d’Etat vaudoise Anne- Catherine Lyon. «Ce sont des propositions extrêmement discriminatoires qui stigmatisent les étrangers. Une des valeurs de l’école publique est d’accueillir tous les enfants. Et en matière d’accueil des allophones (ndlr: personne de langue étrangère), Vaud possède des dispositifs importants pour lesquels il investit 12 à 15 millions de francs par année.»
Cours et classes d’accueil
Dans ce domaine, pas de règles, mais de grands principes: gérée par les établissements, la prise en charge varie selon les lieux et les besoins. Et les solutions diffèrent fortement entre un établissement de campagne et Lausanne, qui a mis en place un important dispositif pour recevoir les quelque 150 à 250 élèves non francophones qui arrivent par année, auxquels s’ajoutent les enfants d’ici qui ne parlent pas français.
En général, à l’école enfantine et en primaire, les enfants qui ne parlent pas français reçoivent des cours intensifs de langue en étant intégrés en classe régulière. Au secondaire, ils sont souvent regroupés entre allophones dans des classes d’accueil. «L’intégration à tout prix est contre-productive. Plus on avance dans le cursus, plus il est difficile de concilier les exigences du français et des autres branches. Ces classes permettent de tenir compte des compétences et pas que des connaissances linguistiques, en vue de la meilleure orientation en classe régulière», souligne Gérard Dyens, chef du Service des écoles lausannois. Présentes dans les villes, les classes d’accueil sont moins courantes à la campagne, où elles sont compensées par des cours.
Mais à quel moment les élèves inscrits en classes d’accueil rejoignent- ils leurs camarades francophones? Après six mois, le plus souvent une année. Exceptionnellement deux ans. Cette décision repose en grande partie sur le maître d’accueil, qui oriente l’écolier en fonction de ses progrès, de ses résultats et de sa future classe, de concert avec son futur enseignant et le conseil de direction. Il continuera de bénéficier de cours d’appui.
Des situations délicates
Ce système n’empêche toutefois pas des situations délicates. A Lausanne, certaines classes enfantines ou primaires peuvent ainsi compter plus de 50% d’élèves qui ne parlent pas français. «L’enseignement devient plus difficile, ce qui nuit à l’égalité des chances», estime en tout cas Hugues Hiltpold, qui justifie ainsi l’idée des quotas. Le député vaudois écolibéral Jacques-André Haury estime aussi que la question de la répartition des élèves peut se poser, même s’il trouve le dispositif actuel de qualité.
Risible et inapplicable, réagit Gérard Dyens. «Il faudrait multiplier les classes à Lausanne! Et comment définir un allophone? Sans compter qu’on ne peut pas repérer a priori les étrangers qui sont nés en Suisse, mais ne parlent pas français.» De son côté, le président de la Société pédagogique vaudoise, Jacques Daniélou, admet que certaines situations sont difficiles. «La question n’est pas taboue, mais la solution est ridicule. Les mesures vaudoises fonctionnent.» Un avis partagé par Pierre Tharin, président de l’Association vaudoise pour une école crédible, qui a lancé l’initiative Ecole 2010. Et Jacques Daniélou d’ajouter: «C’est aussi un problème d’urbanisme.»
Des efforts à faire
Mais des efforts restent à fournir. Pour Gérard Dyens, il faudrait davantage appuyer l’apprentissage du français chez les petits et soutenir les enseignants des classes hétérogènes. A quoi le Département de la formation rétorque qu’il ne refuse pas de fournir des ressources. «C’est vrai, admet Gérard Dyens. Mais il faudrait une volonté politique claire. On attend quelque chose de plus dynamique qu’une simple réponse aux demandes du terrain, souvent dépassé par l’ampleur de la tâche.» Anne-Catherine Lyon concède d’ailleurs que l’on peut toujours faire mieux. Mais elle défend le cadre actuel, qui laisse une grande latitude aux établissements. «Il faut avoir une approche pragmatique. Ce sont les enseignants qui connaissent le mieux la situation dans les classes. »
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