vendredi 30 mai 2008

Comment l'école vaudoise accueille les enfants qui ne parlent pas français

Les écoliers étrangers sont la cible de politiciens suisses. D’un côté, l’UDC veut leur faire suivre des cours de langue avant même d’être scolarisés. De l’autre, le conseil­ler national genevois Hugues Hiltpold (PRD) propose de fixer un quota maximal d’élèves non francophones par classe. Un article de Laure Pingoud dans 24 Heures.

Des idées qui font bondir la conseillère d’Etat vaudoise An­ne- Catherine Lyon. «Ce sont des propositions extrêmement discriminatoires qui stigmati­sent les étrangers. Une des va­leurs de l’école publique est d’accueillir tous les enfants. Et en matière d’accueil des allo­phones (ndlr: personne de lan­gue étrangère), Vaud possède des dispositifs importants pour lesquels il investit 12 à 15 mil­lions de francs par année.»
Cours et classes d’accueil

Dans ce domaine, pas de rè­gles, mais de grands principes: gérée par les établissements, la prise en charge varie selon les lieux et les besoins. Et les solu­tions diffèrent fortement entre un établissement de campagne et Lausanne, qui a mis en place un important dispositif pour re­cevoir les quelque 150 à 250 élèves non francophones qui ar­rivent par année, auxquels s’ajoutent les enfants d’ici qui ne parlent pas français.
En général, à l’école enfantine et en primaire, les enfants qui ne parlent pas français reçoi­vent des cours intensifs de lan­gue en étant intégrés en classe régulière. Au secondaire, ils sont souvent regroupés entre allophones dans des classes d’accueil. «L’intégration à tout prix est contre-productive. Plus on avance dans le cursus, plus il est difficile de concilier les exi­gences du français et des autres branches. Ces classes permet­tent de tenir compte des compé­tences et pas que des connais­sances linguistiques, en vue de la meilleure orientation en classe régulière», souligne Gé­rard Dyens, chef du Service des écoles lausannois. Présentes dans les villes, les classes d’ac­cueil sont moins courantes à la campagne, où elles sont com­pensées par des cours.
Mais à quel moment les élèves inscrits en classes d’accueil rejoi­gnent- ils leurs camarades fran­cophones? Après six mois, le plus souvent une année. Excep­tionnellement deux ans. Cette décision repose en grande partie sur le maître d’accueil, qui oriente l’écolier en fonction de ses progrès, de ses résultats et de sa future classe, de concert avec son futur enseignant et le conseil de direction. Il continuera de bénéficier de cours d’appui.
Des situations délicates

Ce système n’empêche toute­fois pas des situations délicates. A Lausanne, certaines classes enfantines ou primaires peu­vent ainsi compter plus de 50% d’élèves qui ne parlent pas fran­çais. «L’enseignement devient plus difficile, ce qui nuit à l’éga­lité des chances», estime en tout cas Hugues Hiltpold, qui justifie ainsi l’idée des quotas. Le député vaudois écolibéral Jacques-André Haury estime aussi que la question de la ré­partition des élèves peut se po­ser, même s’il trouve le disposi­tif actuel de qualité.
Risible et inapplicable, réagit Gérard Dyens. «Il faudrait mul­tiplier les classes à Lausanne! Et comment définir un allophone? Sans compter qu’on ne peut pas repérer a priori les étrangers qui sont nés en Suisse, mais ne parlent pas français.» De son côté, le président de la Société pédagogique vaudoise, Jacques Daniélou, admet que certaines situations sont difficiles. «La question n’est pas taboue, mais la solution est ridicule. Les me­sures vaudoises fonctionnent.» Un avis partagé par Pierre Tha­rin, président de l’Association vaudoise pour une école crédi­ble, qui a lancé l’initiative Ecole 2010. Et Jacques Daniélou d’ajouter: «C’est aussi un pro­blème d’urbanisme.»
Des efforts à faire

Mais des efforts restent à fournir. Pour Gérard Dyens, il faudrait davantage appuyer l’ap­prentissage du français chez les petits et soutenir les enseignants des classes hétérogènes. A quoi le Département de la formation rétorque qu’il ne refuse pas de fournir des ressources. «C’est vrai, admet Gérard Dyens. Mais il faudrait une volonté politique claire. On attend quelque chose de plus dynamique qu’une sim­ple réponse aux demandes du terrain, souvent dépassé par l’ampleur de la tâche.» Anne-Catherine Lyon con­cède d’ailleurs que l’on peut toujours faire mieux. Mais elle défend le cadre actuel, qui laisse une grande latitude aux établis­sements. «Il faut avoir une ap­proche pragmatique. Ce sont les enseignants qui connaissent le mieux la situation dans les clas­ses. »

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