Voici l'opinion de Jacques Neyrinck dans 24 Heures, concernant les prochaines votations.
«Face aux menaces et aux complexités de la mondialisation et de la globalisation, une foule d’électeurs inquiets et dépassés préfèrent se cacher la tête dans le sable» Jacques Neyrinck
Francis Blanche et Pierre Dac ont jadis animé une émission radiophonique intitulée Le Parti d’en rire, pour se gausser des turpitudes de la IVe République française, dont il valait mieux rire que pleurer. Dans notre canton, les trois votations du 1er juin sont soutenues par la seule UDC, qui invente de la sorte le «Parti de ne pas savoir». Face aux menaces et aux complexités de la mondialisation et de la globalisation, une foule d’électeurs inquiets et dépassés préfèrent se cacher la tête dans le sable.
Première votation, dite initiative muselière: pour se déterminer démocratiquement, il vaut mieux que les électeurs ne soient pas influencés par le Conseil fédéral, qui s’est décidé en fonction de son expérience, de réflexions, de consultations et de débats. La compétence du Conseil fédéral le rend suspect de savoir de quoi il retourne. Il vaut mieux ne pas savoir pour bien décider.
Seconde votation, sur la naturalisation par les urnes: pour poser l’acte politique en question, il vaut mieux que toute la population décide, sur la base de ses préjugés ethniques ou confessionnels, d’accepter les candidats selon leur origine plutôt que de confier cette décision à une commission ad hoc, qui rencontre les candidats et a une connaissance détaillée du dossier. Cette instance risque de se décider en fonction de la capacité de chaque candidat plutôt que de les juger en bloc en fonction de leur provenance. Mieux vaut ne pas savoir pour décider sans états d’âme.
Troisième votation, sur la politique de la santé: depuis huit siècles, les Facultés de médecine attribuent un diplôme qui atteste du savoir des nouveaux médecins et leur confère le droit d’exercer. Cette propension à se fier à la compétence est fâcheuse. Mieux vaut que les caisses maladie sélectionnent les médecins sur la base de leur performance financière. Un médecin trop savant risque de coûter plus cher, parce qu’il recourt à des thérapeutiques de pointe et qu’il prolonge de la sorte la vie de ses patients, qui sont des sources de dépenses. Trop de savoir nuit à l’assurance maladie.
Sous le disparate apparent des trois sujets soumis à votation se cache un projet tout à fait cohérent: rassembler dans un parti ceux qui souffrent de l’évolution rapide de la société et qui ne parviennent pas à suivre le mouvement. L’idéal devient de retourner en 1291. C’était le bon temps. Celui où la masse de la population ne savait ni lire ni écrire. Celui où elle n’était pas soignée. Celui où il n’y avait ni presse, ni radio ou télévision, ni internet, ni écoles publiques. Le temps du non-savoir.
Il est donc intéressant de former un parti regroupant ceux qui ne disposent pas des connaissances nécessaires pour s’adapter aujourd’hui aux changements. En enlevant du pouvoir à ceux qui savent – élus, juges, professeurs – on valorise le non-savoir. La démocratie devient un mythe doté d’une magie irrésistible. Le peuple cesse de déléguer les décisions à des assemblées d’élus pour prendre directement le pouvoir: il l’exercera d’autant mieux qu’il décidera sans étudier les dossiers, car il sera illuminé par la grâce du Saint-Esprit.
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