mardi 27 mai 2008

"L'initiative des naturalisations est un danger pour la stabilité du pays"

Pascal Broulis s’élève contre les amalgames de la campagne et l’atteinte au fédéralisme de l’initiative de l’UDC. Il répond aux questions de Laurent Busslinger dans 24 Heures.

INTROSPECTION Pascal Broulis: «Notre meilleur gage de stabilité est le maillage des populations. En votant, que chacun se demande combien d’étrangers il a dans sa famille. Même le chef de file de l’UDC a un aïeul naturalisé!» LAUSANNE, LE 26 MAI 2008 PATRICK MARTIN

Opposé à l’article consti­tutionnel sur la santé, le gouvernement vaudois l’a fait savoir. Parce que Jean-­Claude Mermoud soutient le texte de son parti, il n’a en revan­che pas combattu l’initiative de l’UDC qui veut remettre en vi­gueur les naturalisations par le peuple, et interdire les recours. Depuis le milieu de la semaine dernière, les magistrats radicaux et libéraux romands ont néan­moins signé un «appel» de rejet. Entretien avec le président du Conseil d’Etat, le radical Pascal Broulis.
– Avez-vous débattu d’une prise de position?

– Non. Nos règles sont claires, si le collège n’est pas unanime, il ne s’exprime pas en tant que tel, ses membres peuvent le faire indivi­duellement. Or, c’est un thème qui divise, où la droite républi­caine s’oppose à l’UDC.
– Vu le vote anticipé, est-il encore opportun de se manifester dix jours avant la fin de la campagne?

– Mieux vaut tard que jamais. On sait qu’un tiers des votants utili­sent leurs droits civiques la der­nière semaine. Nous pouvons en­core convaincre que cette initia­tive est dangereuse pour la stabilité du pays.
– En quoi?

– Elle déstabiliserait une nouvelle fois le fédéralisme. En matière de naturalisations, le canton de Vaud a sa manière de faire, qui fonctionne très bien, et prévoit un recours inscrit dans la Consti­tution.
– Dans les petites communes, où chaque citoyen peut participer au Conseil général, il existe de facto une forme de naturalisation par le peuple. Quel problème poserait une acceptation?

– Le problème se poserait natu­rellement aux villes. Prenons le chiffre 2007 de 6000 naturalisa­tions dans le canton (ndlr: lire ci-contre). Si Lausanne n’en oc­troie que le dixième, et doit con­sulter ses citoyens pour le faire, qu’a-t-on? Un catalogue de 600 noms à cocher une fois par an? Dix votations annuelles avec 60 postulants chaque fois? Com­ment se déterminer? Ce n’est pas crédible, cela ouvre la porte à l’arbitraire, cela met à mal nos institutions.
– Si l’initiative passait, pourriez­vous défendre la Constitution vaudoise, et le droit au recours qu’elle prévoit?

– On verrait s’affronter deux droits différents. Tout ce que la Suisse ne veut pas! Je rappelle que le fédéralisme, c’est une délé­gation de compétences du canton vers la Confédération, pas l’in­verse. Des difficultés d’applica­tions sont programmées.
– Naturalise-t-on trop ici?

– Non. Le canton de Vaud a quelque 70 000 nouveaux habi­tants à accueillir ces douze pro­chaines années. Ce seront des Confédérés, et des étrangers. No­tre meilleur gage de stabilité est le maillage des populations. En vo­tant, que chacun se demande combien d’étrangers il a dans sa famille, quelles chances il a d’en avoir à travers les rencontres que feront ses enfants? Même le chef de file de l’UDC a un aïeul natura­lisé! Alors qu’avec ses campagnes répétées, ce parti attise des senti­ments xénophobes, qu’il faut sans cesse rappeler nos valeurs répu­blicaines, redire qu’une affiche n’est pas chic parce qu’elle est choc, qu’on ne peut tout amalga­mer comme dans ces annonces qui mélangent ces jours naturali­sations et violence des jeunes.
– Christoph Blocher parle ce soir à Lausanne, justement
sur les naturalisations. Qu’auriez­vous à lui dire?
– En l’accueillant au Comptoir l’an dernier, j’ai rappelé Ramuz s’interrogeant, en 1937, sur l’iden­tité suisse et répondant: «Nous ne sommes pas Suisses, mais Vaudois, Valaisans, Zurichois, c’est-à-dire des ressortissants de petits pays véritables.» Je lui di­rais qu’à son poste précédant, il n’a rien fait pour mettre en vi­gueur l’initiative sur les délin­quants dangereux, qui pose d’in­solubles problèmes d’application. Pourquoi soutenir un autre texte qui se heurtera aux mêmes diffi­cultés?

Aucun commentaire: