Pascal Broulis s’élève contre les amalgames de la campagne et l’atteinte au fédéralisme de l’initiative de l’UDC. Il répond aux questions de Laurent Busslinger dans 24 Heures.
INTROSPECTION Pascal Broulis: «Notre meilleur gage de stabilité est le maillage des populations. En votant, que chacun se demande combien d’étrangers il a dans sa famille. Même le chef de file de l’UDC a un aïeul naturalisé!» LAUSANNE, LE 26 MAI 2008 PATRICK MARTIN
Opposé à l’article constitutionnel sur la santé, le gouvernement vaudois l’a fait savoir. Parce que Jean-Claude Mermoud soutient le texte de son parti, il n’a en revanche pas combattu l’initiative de l’UDC qui veut remettre en vigueur les naturalisations par le peuple, et interdire les recours. Depuis le milieu de la semaine dernière, les magistrats radicaux et libéraux romands ont néanmoins signé un «appel» de rejet. Entretien avec le président du Conseil d’Etat, le radical Pascal Broulis.
– Avez-vous débattu d’une prise de position?
– Non. Nos règles sont claires, si le collège n’est pas unanime, il ne s’exprime pas en tant que tel, ses membres peuvent le faire individuellement. Or, c’est un thème qui divise, où la droite républicaine s’oppose à l’UDC.
– Vu le vote anticipé, est-il encore opportun de se manifester dix jours avant la fin de la campagne?
– Mieux vaut tard que jamais. On sait qu’un tiers des votants utilisent leurs droits civiques la dernière semaine. Nous pouvons encore convaincre que cette initiative est dangereuse pour la stabilité du pays.
– En quoi?
– Elle déstabiliserait une nouvelle fois le fédéralisme. En matière de naturalisations, le canton de Vaud a sa manière de faire, qui fonctionne très bien, et prévoit un recours inscrit dans la Constitution.
– Dans les petites communes, où chaque citoyen peut participer au Conseil général, il existe de facto une forme de naturalisation par le peuple. Quel problème poserait une acceptation?
– Le problème se poserait naturellement aux villes. Prenons le chiffre 2007 de 6000 naturalisations dans le canton (ndlr: lire ci-contre). Si Lausanne n’en octroie que le dixième, et doit consulter ses citoyens pour le faire, qu’a-t-on? Un catalogue de 600 noms à cocher une fois par an? Dix votations annuelles avec 60 postulants chaque fois? Comment se déterminer? Ce n’est pas crédible, cela ouvre la porte à l’arbitraire, cela met à mal nos institutions.
– Si l’initiative passait, pourriezvous défendre la Constitution vaudoise, et le droit au recours qu’elle prévoit?
– On verrait s’affronter deux droits différents. Tout ce que la Suisse ne veut pas! Je rappelle que le fédéralisme, c’est une délégation de compétences du canton vers la Confédération, pas l’inverse. Des difficultés d’applications sont programmées.
– Naturalise-t-on trop ici?
– Non. Le canton de Vaud a quelque 70 000 nouveaux habitants à accueillir ces douze prochaines années. Ce seront des Confédérés, et des étrangers. Notre meilleur gage de stabilité est le maillage des populations. En votant, que chacun se demande combien d’étrangers il a dans sa famille, quelles chances il a d’en avoir à travers les rencontres que feront ses enfants? Même le chef de file de l’UDC a un aïeul naturalisé! Alors qu’avec ses campagnes répétées, ce parti attise des sentiments xénophobes, qu’il faut sans cesse rappeler nos valeurs républicaines, redire qu’une affiche n’est pas chic parce qu’elle est choc, qu’on ne peut tout amalgamer comme dans ces annonces qui mélangent ces jours naturalisations et violence des jeunes.
– Christoph Blocher parle ce soir à Lausanne, justement sur les naturalisations. Qu’auriezvous à lui dire?
– En l’accueillant au Comptoir l’an dernier, j’ai rappelé Ramuz s’interrogeant, en 1937, sur l’identité suisse et répondant: «Nous ne sommes pas Suisses, mais Vaudois, Valaisans, Zurichois, c’est-à-dire des ressortissants de petits pays véritables.» Je lui dirais qu’à son poste précédant, il n’a rien fait pour mettre en vigueur l’initiative sur les délinquants dangereux, qui pose d’insolubles problèmes d’application. Pourquoi soutenir un autre texte qui se heurtera aux mêmes difficultés?
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