L’UDC l’assène avec force publicités: de plus en plus de jeunes étrangers violents obtiennent le passeport suisse. Qu’en pensent les juges et les policiers? Un article de Laurent Aubert dans 24 Heures.
GROUPES La plupart des «bandes» de jeunes ne posent aucun problème, comme c’est le cas ici. Mais il arrive, estime le président de la Chambre pénale des mineurs de Fribourg, que ceux qui parlent mal la langue se regroupent et «fassent des choses qu’ils ne feraient pas seuls».
«La violence des jeunes étrangers naturalisés. » A quelques jours de la votation sur les naturalisations par le peuple, l’UDC et l’association SIFA (Sécurité pour tous) sortent la grosse artillerie: difficile de manquer les annonces publiées hier dans la presse quotidienne. Dans leur argumentaire, les initiants relèvent que 50 000 étrangers sont naturalisés chaque année, que de plus en plus de délinquants violents deviennent suisses et ne peuvent donc plus être expulsés. Et de citer plusieurs faits divers dans lesquels des naturalisés ont été impliqués.
«Les titulaires d’un passeport suisse sont des Suisses pour la police et la justice.» Porte-parole de la police vaudoise, Jean-Christophe Sauterel rappelle les principes en vigueur dans le canton. Dans ses communiqués, la maréchaussée mentionne l’âge, la nationalité et la région de domicile des délinquants. Des éléments que l’on retrouve dans la statistique Cripol publiée sur son site. En revanche, Jean-Christophe Sauterel refuse de se laisser entraîner dans le débat: «Nous n’entrons pas en matière sur l’origine.» D’ailleurs, aucune base de données ne recueille ce critère.
Surreprésentation
Pour 2007, Cripol recense 2444 auteurs étrangers (dont 296 requérants et NEM) et 1938 Suisses, tous âges confondus. Soit près de 56% d’étrangers, alors qu’ils représentent 28% de la population vaudoise. Mais attention aux conclusions hâtives, avertit Alain Meister, président du Tribunal des mineurs de Lausanne: «Ces étrangers ne sont pas tous domiciliés en Suisse.» Pour les mineurs, la proportion est inverse: 42% d’étrangers. Pour les seuls auteurs domiciliés en Suisse, la proportion tombe à 40%.
«Il y a une certaine surreprésentation des jeunes étrangers parmi les délinquants du même âge, c’est sûr.» Alain Meister et son collègue fribourgeois Michel Lachat s’accordent sur ce point. Et avancent comme chats sur braises lorsqu’il s’agit d’expliquer le phénomène. «Les causes sont multiples», lance le Vaudois. L’intégration, certes, «mais pas forcément comme on l’entend: ces jeunes peuvent avoir des parents nickel, mais des difficultés scolaires les amènent à quitter plus vite le circuit et les handicapent dans leur insertion professionnelle. » Alain Meister cite aussi des facteurs d’ordre culturel: «Ils parlent bien notre langue, connaissent le système, mais cette intégration peut les éloigner de leurs parents, qui en perdent le contrôle.» «Lorsque ces derniers sont en difficulté, la surveillance se relâche », avance Michel Lachat. Qui souligne aussi le phénomène des bandes: «Ceux qui parlent mal la langue ont tendance à se grouper, et à faire des choses qu’ils ne feraient pas seuls.»
Provocations
«Les jeunes étrangers sont aussi davantage provoqués», constate le Fribourgeois, qui relève également une tendance accrue à porter plainte. «Si, en plus, une catégorie est stigmatisée à longueur d’année par un parti, les gens ne tolèrent plus grand-chose.» Les deux juges insistent sur le caractère subjectif de leur analyse: «Il faudrait une étude scientifique. » Mais pour les jeunes naturalisés, la réponse d’Alain Meister est plus nette: «J’ai l’impression qu’ils ne posent pas plus de problèmes que les Suisses de souche. En général, ils sont là depuis longtemps, leurs parents aussi.» £
Statistique Cripol de la police vaudoise: www.police.vd.ch Voir notre dossier sur les votations fédérales www.24heures.ch .
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