mardi 27 mai 2008

Jeunes étrangers violents: une réalité à nuancer

L’UDC l’assène avec force publicités: de plus en plus de jeunes étrangers violents obtiennent le passeport suisse. Qu’en pensent les juges et les policiers? Un article de Laurent Aubert dans 24 Heures.

GROUPES La plupart des «bandes» de jeunes ne posent aucun problème, comme c’est le cas ici. Mais il arrive, estime le président de la Chambre pénale des mineurs de Fribourg, que ceux qui parlent mal la langue se regroupent et «fassent des choses qu’ils ne feraient pas seuls».


«La violence des jeu­nes étrangers natu­ralisés. » A quelques jours de la votation sur les natu­ralisations par le peuple, l’UDC et l’association SIFA (Sécurité pour tous) sortent la grosse artil­lerie: difficile de manquer les annonces publiées hier dans la presse quotidienne. Dans leur ar­gumentaire, les initiants relèvent que 50 000 étrangers sont natu­ralisés chaque année, que de plus en plus de délinquants violents deviennent suisses et ne peuvent donc plus être expulsés. Et de citer plusieurs faits divers dans lesquels des naturalisés ont été impliqués.
«Les titulaires d’un passeport suisse sont des Suisses pour la police et la justice.» Porte-parole de la police vaudoise, Jean-Chris­tophe Sauterel rappelle les prin­cipes en vigueur dans le canton. Dans ses communiqués, la maré­chaussée mentionne l’âge, la na­tionalité et la région de domicile des délinquants. Des éléments que l’on retrouve dans la statisti­que Cripol publiée sur son site. En revanche, Jean-Christophe Sauterel refuse de se laisser en­traîner dans le débat: «Nous n’entrons pas en matière sur l’origine.» D’ailleurs, aucune base de données ne recueille ce critère.
Surreprésentation

Pour 2007, Cripol recense 2444 auteurs étrangers (dont 296 re­quérants et NEM) et 1938 Suis­ses, tous âges confondus. Soit près de 56% d’étrangers, alors qu’ils représentent 28% de la population vaudoise. Mais atten­tion aux conclusions hâtives, avertit Alain Meister, président du Tribunal des mineurs de Lau­sanne: «Ces étrangers ne sont pas tous domiciliés en Suisse.» Pour les mineurs, la proportion est inverse: 42% d’étrangers. Pour les seuls auteurs domiciliés en Suisse, la proportion tombe à 40%.
«Il y a une certaine surrepré­sentation des jeunes étrangers parmi les délinquants du même âge, c’est sûr.» Alain Meister et son collègue fribourgeois Michel Lachat s’accordent sur ce point. Et avancent comme chats sur braises lorsqu’il s’agit d’expliquer le phénomène. «Les causes sont multiples», lance le Vaudois. L’intégration, certes, «mais pas forcément comme on l’entend: ces jeunes peuvent avoir des pa­rents nickel, mais des difficultés scolaires les amènent à quitter plus vite le circuit et les handica­pent dans leur insertion profes­sionnelle. » Alain Meister cite aussi des facteurs d’ordre cultu­rel: «Ils parlent bien notre lan­gue, connaissent le système, mais cette intégration peut les éloi­gner de leurs parents, qui en perdent le contrôle.» «Lorsque ces derniers sont en difficulté, la surveillance se relâ­che », avance Michel Lachat. Qui souligne aussi le phénomène des bandes: «Ceux qui parlent mal la langue ont tendance à se grou­per, et à faire des choses qu’ils ne feraient pas seuls.»
Provocations

«Les jeunes étrangers sont aussi davantage provoqués», constate le Fribourgeois, qui re­lève également une tendance ac­crue à porter plainte. «Si, en plus, une catégorie est stigmati­sée à longueur d’année par un parti, les gens ne tolèrent plus grand-chose.» Les deux juges insistent sur le caractère subjectif de leur ana­lyse: «Il faudrait une étude scien­tifique. » Mais pour les jeunes naturalisés, la réponse d’Alain Meister est plus nette: «J’ai l’im­pression qu’ils ne posent pas plus de problèmes que les Suisses de souche. En général, ils sont là depuis longtemps, leurs parents aussi.» £
Statistique Cripol de la police vaudoise: www.police.vd.ch Voir notre dossier sur les votations fédérales www.24heures.ch .

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