lundi 7 avril 2008

Asile en Europe: une protection désordonnée

http://www.hns-info.net/article.php3?id_article=13898

France Rapport Ofpra 2007. Asile : trompe l’œil et désordre.

La demande d’asile a diminué pour la troisième année consécutive en France : 59 221 demandes en 2005, 39 332 en 2006 et 35 520 en 2007. L’année 2007 a cependant vu l’augmentation de la demande russe (2001 premières demandes hors mineurs accompagnants) et serbe (2250 premières demandes hors mineurs accompagnants). Suivent la Turquie, le Sri Lanka et la République démocratique du Congo. Le principal continent d’origine des personnes demandant une protection en France est l’Europe.

Une nouvelle carte de l’asile en Europe se dessine

Alors que le nombre de demandeurs d’asile dans l’Union européenne a été divisé par deux entre 2000, 397 000 demandes dans l’Union à 15, et 2006, 201 000 dans l’Union à 27, le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) constate un léger retournement de tendance. En effet, en 2007, les Etats membres de l’Union européenne ont enregistré 222 900 nouvelles demandes d’asile contre 201 000 en 2006, soit une augmentation de 11 %. Cette augmentation a été plus importante dans les 12 nouveaux Etats membres (+27 % contre +9 % dans les 15 anciens Etats membres).

Tous les pays ne sont pas concernés de la même manière par la demande d’asile. Ainsi, on continue à observer une baisse de la demande dans les « traditionnels » pays d’accueil en Europe : -11 % en Autriche, -10,5 % en France, -9 % en Allemagne. En revanche, certains pays observent de fortes augmentations : +49 % en Suède, +105 % en Grèce, +35 % en Italie, +41 % en Espagne, +61 % en Pologne. Il semble donc que l’accueil des demandeurs d’asile se déplace vers les pays périphériques de l’Union, qui, hormis la Suède, ne disposent pas d’une longue tradition d’accueil des réfugiés et ont des moyens financiers plus limités. A l’inverse, des pays comme la France, l’Allemagne, le Royaume-Uni et les Pays-Bas connaissent des niveaux historiquement bas. Par exemple, l’Allemagne connaît son niveau le plus bas depuis 1977, les Pays-Bas depuis 1988 et le Royaume-Uni depuis 1989.

Une protection qui repart à la hausse mais en trompe l’œil

8 780 demandeurs d’asile ont été placés sous la protection de la France en 2007. Ce chiffre est en augmentation par rapport à 2006 (7 354 protections) mais en baisse par rapport à 2005 (13 770 protections).

Il convient de souligner que la majorité des protections sont accordées par la Cour nationale du droit d’asile (CNDA), qui a annulé près d’un cinquième des décisions de l’Office français de protection des réfugiés et des apatrides (Ofpra), devenant ainsi le premier acteur de la protection internationale en France. Ainsi en 2001, sur 7 325 protections accordées, 5 050 résultaient d’une décision de l’Ofpra et 2 275 de la CNDA. En 2006, cette situation s’était déjà inversée puisque, sur 7 354 protections, l’Ofpra n’en a accordé que 2 929 et la CNDA 4 425. En 2007, la tendance se maintient : sur 8 781 protections accordées par la France, l’Ofpra a rendu 3 401 décisions positives et la CNDA 5 380. Mentionnons également que, sur ce total, 706 personnes ont bénéficié de la protection subsidiaire.

Ces chiffres ne doivent pas faire oublier la situation des demandeurs d’asile placés en procédure prioritaire. En 2007, cela concerne 8 376 personnes. Ces derniers voient leur dossier traité en quinze jours par l’Ofpra, ne peuvent exercer un recours suspensif et sont exclus des centres d’accueil des demandeurs d’asile (CADA) qui offrent un accompagnement social et juridique nécessaire au bon déroulement de la procédure. Autant dire que l’Etat les prive de tous les moyens leur permettant de défendre correctement leur demande.

Une protection en Europe désordonnée

Le régime d’asile français ne peut plus s’analyser sans se référer à ce qui se passe dans les autres pays européens, notamment en raison du système Dublin, en vertu duquel un demandeur d’asile est transféré dans l’Etat membre par lequel il est entré dans l’espace commun. On observe que l’Union européenne n’a pu établir un niveau de protection équivalent dans tous les Etats membres. Preuve en est le taux de reconnaissance en première instance pour les demandeurs d’asile irakiens qui varie de 85% en Allemagne ou 82 % en Suède à 13% au Royaume-Uni, 0% en Grèce et en Slovénie. Dans ce contexte, le 18 mars 2008, France terre d’asile a demandé au ministre de l’Immigration de suspendre tout transfert de demandeurs d’asile vers la Grèce, une des principales portes d’entrée dans l’Union européenne, où ils sont exposés à des conditions d’accueil indignes et à un échec certain de leur demande de protection. Cette requête est aujourd’hui relayée par le Conseil européen pour les réfugiés et les exilés (ECRE), qui regroupe 63 organisations d’aide aux réfugiés dans 28 pays européens et qui, dans une lettre ouverte adressée à la Commission européenne et à l’ensemble des Etats membres, sollicite également la suspension des transferts vers la Grèce.

Les tensions qui s’exercent aujourd’hui sur des pays comme la Grèce, Malte ou la Pologne soulignent l’absence de solidarité européenne, exacerbée par le système Dublin, qui transfère la charge de la protection des réfugiés vers les nouveaux Etats membres du Sud et de l’Est. En 2005, les transferts Dublin ont provoqué une augmentation de près de 20% du nombre de demandes examinées en la Pologne. Ce système s’avère donc injuste mais également inefficace et coûteux dans la mesure où plus de la moitié des transferts acceptés n’est pas exécutée tout en sollicitant une bureaucratie toujours plus importante.

Une nouvelle fois, France terre d’asile demande la construction d’un véritable système de solidarité entre les Etats, qui soit respectueux de la dignité des demandeurs d’asile. Il s’agit d’un défi que devra relever la présidence française de l’Union européenne qui débute le 1er juillet prochain.

Pierre HENRY
Directeur général de France Terre d’Asile



Source/auteur : France terre d’asile
Mis en ligne le vendredi 4 avril 2008

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