lundi 11 février 2008

L’Europe protégera-t-elle la «Voltaire noire»?

A l’occasion d’un meeting à Paris, l’ancienne députée libérale néerlandaise Ayaan Hirsi Ali a demandé la nationalité française. Un article de Jean-Noël Cuénod pour 24 Heures.


Excisée en Somalie à l’âge de 5 ans,
Ayaan Hirsi Ali a lutté sans cesse pour
le droit des musulmanes à la liberté et
à l’égalité, ce qui lui a valu la haine des intégristes.

«La France se tiendra toujours aux côtés des femmes martyri­sées dans le monde.» Ainsi s’était engagé le président Nico­las Sarkozy lors d’un récent discours. «Chiche» lui répond, en substance, l’ancienne dépu­tée libérale néerlandaise Ayaan Hirsi Ali, qui reste explicite­ment menacée de mort par de nombreux groupes de l’isla­misme intégriste. A l’occasion d’un meeting qui s’est déroulé hier soir pour la soutenir à l’Ecole normale supérieure de Paris, elle a demandé aux auto­rités de lui accorder la nationa­lité française. Pourquoi? Actuel­lement réfugiée aux Etats-Unis – où elle travaille pour l’Ameri­can Enterprise Institute, une fondation créée par les néocon­servateurs républicains – elle n’est plus en mesure de finan­cer sa protection. Or, pour des raisons légales, ni les Etats-Unis ni sa patrie de naturalisation, les Pays-Bas, ne peuvent l’assu­mer.
Nombreux soutiens
Dès lors, en obtenant la ci­toyenneté française, elle sup­pose qu’elle sera mieux à même d’être protégée. Cela dit, cette problématique concerne toute l’Europe, comme l’a indiqué ré­cemment Rama Yade, secrétaire d’Etat aux droits de l’homme du gouvernement français. Dans cette optique, le député
européen Benoît Hamon (PS français) a fait circuler une ini­tiative au sein du Parlement européen, afin que l’Union as­sure la protection rapprochée d’Ayaan Hirsi Ali. Pour l’ins­tant, les démarches de cette native de la Somalie demeurent à l’examen, tant auprès des autorités françaises que de cel­les de l’Union européenne. Mais elle peut d’ores et déjà compter sur les nombreux intellectuels, politiciens et journalistes qui se sont pressés hier dans l’amphi Jules Ferry de Normale sup’ pour la soutenir, tels Bernard­Henri Lévy, Elisabeth Badinter,
EPA

Ségolène Royal, Rama Yade ainsi que les rédactions de
Libé­ration
et de
Charlie-Hebdo.
De la haine à la fureur

Surnommée la «Voltaire noire», Ayaan Hirsi Ali (39 ans) a rompu avec l’islam, la religion de sa famille, après les attentats du 11 septembre. Excisée en Somalie à l’âge de 5 ans, Ayaan Hirsi Ali a lutté sans cesse pour le droit des musulmanes à la liberté et à l’égalité, ce qui lui a valu la haine des intégristes. Cette haine s’est muée en fureur homicide à l’occasion du film
Soumission, réalisé par Théo van Gogh, et dont elle a écrit le scénario. En 2004, le cinéaste est assassiné et son tueur laisse une lettre indiquant qu’Ayaan Hirsi Ali sera sa prochaine vic­time.
Protégée aux Pays-Bas, la jeune femme doit s’exiler aux Etats-Unis après avoir avoué qu’elle avait menti aux autorités néerlandaises pour obtenir l’asile politique. Le gouverne­ment des Pays-Bas a envisagé de lui retirer sa nationalité néer­landaise, maisyafinalement renoncé. Les intégristes, eux, n’ont pas renoncé à l’abattre.


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