André Bugnon, Conseiller national UDC et Hani Ramadan, directeur du Centre islamique de Genève, confrontent leur opinion au sujet de l'Islam dans 24 Heures, tandis que les représentants de la communauté musulmane sont invités à rencontrer M. Blocher.
«La communauté musulmane doit
se désolidariser de ceux qui veulent
imposer à tous leurs pratiques»
J’applaudis au fait que M.Ramadan soutienne une nouvelle fois l’invitation de l’Office fédéral de la police aux représentants du monde musulman en Suisse. Cela montre qu’une volonté de dialogue existe et que M. Blocher et l’Office ne sont pas les vilains xénophobes que d’aucuns veulent décrire, puisqu’ils recherchent véritablement le dialogue avec les diverses communautés présentes dans notre pays.
Je suis pratiquement d’accord avec M.Ramadan: «Les musulmans sont des citoyens comme les autres, qui aspirent à la paix sociale» (le plus élémentaire des comportements lorsque l’on vit dans un pays qui a su mettre en place une démocratie des plus performantes et une paix sociale enviée par beaucoup d’autres nations).
Permettez-moi de donner quelques explications sur les craintes qu’une partie du peuple est en droit d’avoir, liées à certains événements ici ou là sur notre planète: on ne peut pas aborder l’intégration d’une communauté sans tenir compte de ce qui se passe à l’étranger dans ce domaine délicat.
Vous voulez, M.Ramadan, éviter tout amalgame entre sécurité et islam, vous avez raison de dire que cette association est une discrimination. Mais comment voulez-vous qu’elle ne se fasse pas lorsque dans d’autres pays, des menaces sont émises et des actes violents commis par des représentants du monde islamique à l’encontre de communautés chrétiennes? Je sais que la religion musulmane est une religion pacifiste, j’ai lu des témoignages de musulmans qui l’affirment et je les crois. Ils se détachent totalement de certains milieux islamistes radicaux qui veulent imposer à tout prix leur croyance et leur culture. Comment, pour un peuple d’obédience chrétienne, qui ne connaît pas tous les détails des diverses communautés, distinguer les uns des autres?
Si, par exemple, le dessinateur de 24 heures publiait une caricature de Mahomet, dans notre pays où la liberté d’expression est permise et où il est autorisé de publier des caricatures de Dieu ou du Christ, et que ce fait ait pour conséquence des menaces à son égard ou envers la communauté chrétienne, comment voulez-vous que les Suisses ne le ressentent pas comme une volonté de suppression de leur liberté d’expression?
Lorsque l’on entend des représentants du monde musulman dire qu’il faut interdire aux filles et aux garçons des écoles de faire des cours de natation ensemble, comment ne pas avoir l’impression de se retrouver plus d’un siècle en arrière? Nous ne voulons juger en rien les pratiques musulmanes, mais nous demandons de ne pas juger nos pratiques, qui n’ont rien de dégradant et font partie de l’évolution normale d’une civilisation.
Voilà une des faces du problème, et le pourquoi de certains amalgames malheureux. La communauté musulmane de Suisse a tout intérêt à poursuivre le dialogue avec nos autorités pour trouver des solutions, comme elle doit aussi faire entendre d’une voix forte qu’elle se désolidarise de ceux qui veulent imposer leur courant de pensée en contradiction avec nos libertés constitutionnelles. Car maintenir et garantir la paix est ce que je souhaite le plus pour l’ensemble des habitants de ce pays.
(M. Bugnon a eu connaissance de l’article de M. Ramadan, mais non l’inverse.)
«Ecarter les amalgames qui mêlent
les questions de sécurité et de terrorisme
avec l’islam en tant que tel»
En premier lieu, la police fédérale a raison de souligner qu’elle regrette «que les médias et l’opinion publique associent la religion et la culture musulmanes aux préoccupations sécuritaires» (lettre aux organisations musulmanes datée du 20 août 2007). Par conséquent, il faut écarter les amalgames qui mêlent les questions de sécurité et de terrorisme avec l’islam en tant que tel.
En Suisse, les musulmans sont des citoyens comme les autres, qui aspirent à la paix sociale, et toutes formes de discrimination consistant à faire d’eux des interlocuteurs distincts, sous-entendant qu’ils constituent une menace à court ou long terme, doivent être fermement rejetées.
Un Forum Islam consacré à la sécurité serait donc un contresens, parce qu’il supposerait la stigmatisation des valeurs d’une religion et d’une culture en particulier.
En second lieu, Monsieur Blocher devrait absolument réorienter la politique désastreuse de son parti: l’initiative sur les minarets et les malheureuses affiches qui ont terni l’image de la Suisse ne nous engagent pas dans un dialogue, mais plutôt dans une logique de confrontation.
Le fait, pour certains, d’asseoir leur stratégie politique alarmiste sur l’islamophobie qui gagne incontestablement du terrain, autant d’ailleurs que sur le rejet de l’étranger qui vient manger notre pain, est indigne des valeurs de notre pays. Le nazisme a vu le jour parce qu’il a été porté par un élan incontrôlé de revendications identitaires désignant un bouc émissaire. A cet endroit, les partis d’extrême droite feraient bien de revisiter l’histoire pour prendre conscience du prix que coûtent à l’humanité les exaltations nationalistes étroites et bornées.
En dernier lieu, le dialogue des autorités suisses avec l’islam ne relève pas de la seule compétence du Département fédéral de justice et police. C’est l’ensemble du Conseil fédéral, et non pas Monsieur Christoph Blocher seulement, qui est concerné par la question. L’islam ne peut être réduit en Suisse à une affaire de police réglée au niveau des services de renseignements. A l’avenir, les informateurs douteux ne seront pas bienvenus dans nos lieux de cultes. Privilégions, de part et d’autre, la transparence et la franchise. Et espérons que l’administration se gardera désormais de jouer les Yankees en territoire helvétique! Tant il est vrai que l’on ne sait pas toujours où s’arrête le devoir d’ingérence, ou d’infiltration!
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