mercredi 10 octobre 2007

Ramadan dans le canton de Vaud

Le jeûne musulman se termine en fin de semaine. Il concerne près de 25 000 personnes dans le canton de Vaud. 24 Heures nous propose d'aller à leur rencontre. Photos d'Eric Roset et texte d'Alain Walther

Le croissant de la lune en déci­dera demain.La fin du jeûne du mois de ramadan, quatrième pi­lier de l’islam, c’est pour ven­dredi ou samedi. En attendant, les musulmans du canton tien­nent bon. La journée, au travail comme à la maison, ils se ser­rent la ceinture. Comme le veut leur tradition, ils se privent de tout ce qui viendrait rompre le jeûne.
Bénéfices pour le commerce hallal

Du lever au coucher du soleil, quotidiennement, et pendant trente jours, ils s’abstiennent in­tégralement de manger, de boire, de fumer et d’avoir des relations sexuelles. La nuit venue, suite à la prière du soir, la communauté se retrouve autour de deux re­pas: l’iftar, puis le sahur, juste avant l’aube. L’occasion de se retrouver en famille, entre amis, dans un esprit de partage et de fête. Tout bénéfice pour les com­merces
de boucherie et d’alimen­tation, qui fonctionnent à plein régime durant cette période.


Une demi-heure avant la rupture du jeûne,
les clients se pressent de faire les derniers achats
à la boucherie hallal des frères Belaatar.

LAUSANNE, LE 6 OCTOBRE 2007


Samedi passé, à Lausanne, la boucherie Akrimi, la boucherie de la Gare, l’Orient Market et la boucherie du Grand Atlas ont vu affluer les chalands, hommes et femmes et confondus. Ces com­merces hallal (l’animal doit avoir été égorgé au nom de Dieu et conformément aux préceptes de l’islam) reconnaissent une aug­mentation de leur chiffre d’affai­res de 30 à 50%. Plus de 8000 Lausannois se déclaraient mu­sulmans à la fin de l’année der­nière. Pour le Centre islamique de Lausanne, ils seraient le dou­ble. Dans le canton, les musul­mans ont fait l’objet d’un recen­sement en 2000. Ils étaient alors
24 757.



Au restaurant Djerba la Douce,
Mohsen Jemmali sert la chorba à ses clients, la famille Ben Gaïed.


Avenue d’Echallens, Farid Rami connaît les joies de la tradition respectée. Outre la viande, les musulmans mangent beaucoup, beaucoup de gâteaux. Et Farid Rami en vend une bonne douzaine de sortes. Les kalbelouz (semoule et aman­des), les chabakie (miel et sé­same), les baklavas… Les gâteries viennent de Syrie ou de Tunisie. Chez le boucher traiteur Akrimi dès 17 heures, la soupe est offerte aux jeûneurs.
Goûtant les gâteaux des yeux, Younés, 13 ans, fait la fierté de son père, Hocine, 46 ans. Le gamin jeûne. «Il a l’habitude, il rentre à la maison récupérer à midi. Sa petite soeur de 6 ans jeûne aussi.» A la direction des écoles, on garde un oeil sur les enfants du ramadan. Aucune me­sure de surveillance particulière n’a toutefois été émise par les autorités lausannoises. «Nous suivons les directives de santé habituelles, explique Oscar To­sato, municipal lausannois des Ecoles. Nous veillons à ce que chaque enfant, musulman ou non, soit bien nourri, qu’il puisse se rendre au cours et les suivre.» Lausanne n’en étudie pas moins la situation dans d’autres villes européennes, habituées à gérer l’intégration des musulmans.
Devant l’étal de la boucherie de la Gare, les clients préparent le grand repas de samedi soir. Amira, coiffeuse à Lutry, et son époux Hicham, aide-cuisinier à Pully, jeûnent avec application. Tenir le coup quand on travaille dans une cuisine, garder sa ligne de conduite quand vous êtes la seule musulmane au salon de coiffure: ce n’est pas chose sim­ple. «Ici c’est plus dur qu’en Algé­rie, explique Amira, car vous n’avez pas le soutien de votre
entourage professionnel.»
«Plus facile à Lausanne qu’à Alger»

Mohammed, artisan de 38 ans, pense tout le contraire: «Il est plus facile de jeûner à Lausanne qu’à Alger!» Le ramadan, sans vin ni cigarettes ni café lui fait «le plus grand bien» puisqu’il est
«obligé de freiner». Un rien poète, Mohammed tisse des liens aériens entre capitales algérienne et vaudoise. «Ces deux villes montent et descendent et offrent la vue sur l’eau.» Il préfère cepen­dant Lausanne, plus calme, moins sujette à la flambée des prix, moins nerveuse.
Peu avant la quatrième prière, les magasins se vident. Il est l’heure de mettre les petits plats dans les grands. A l’Orient Mar­ket, Khaled et Hocine offrent la chorba aux clients. Orge con­cassé, coriandre, épices. Une cliente portugaise du quartier, athée, achète ses pâtisseries.
19 h 20, le jeûne est rompu. Mohsen Jemmali, patron du Djerba la Douce, partage chorba (recette des îles Kerkena) avec poisson, lait caillé et datte avec Umer, aide de cuisine sri lankais. «Pendant le ramadan, je cuisine sans goûter et j’en mets un peu moins», commente Mohsen Jem­mali. La famille Ben Gaïed débar­que de Cheseaux-Noréaz. Renate, l’épouse, Myriam, Manuel et Naïm, les enfants, ne jeûnent pas. Le père, Ali, consultant en infor­matique, ne force personne. Il aura tenu le coup en solo.

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