lundi 8 octobre 2007

Les réseaux de passeurs s’organisent en Algérie

De nombreux clandestins partent des côtes de l’Ouest algérien. Des services se développent, avec leurs passeurs et leurs tarifs.
Depuis quelques mois, Farid, 25 ans, est l’une des personnes les plus sollicitées de la région d’Oran, dans l’Ouest algérien. Ses deux téléphones mobiles sonnent sans arrêt. Et pour cause: ce jeune chômeur est devenu guide pour harragas – les émigrants clandestins, dans le langage algérien.
Avec deux autres «collè­gues », il aide les jeunes Algé­riens à réaliser leur rêve: partir en Europe, sans visas. Depuis quelques mois, le nombre de candidats à l’émigration clan­destine, marginal pendant plu­sieurs années, a explosé. En Algérie, certains commenta­teurs attribuent ce phénomène à l’arrivée au pouvoir de Nicolas Sarkozy et au durcissement de la réglementation française. «Tout le monde a compris que la case ambassade n’était qu’une perte de temps», con­firme Farid. Du coup, la traver­sée de la Méditerranée se pro­fessionnalise et devient lucra­tive pour les guides et les propriétaires de bateaux de pê­che.
Une place dans un bateau pour l’Espagne vaut en moyenne 1000 euros. Le paie­ment se fait avant l’embarque­ment.
«C’est trois fois moins cher qu’un faux visa pour la France», relativise Farid. «En été, la demande est très forte. Tout le monde veut partir. Les vieux, les jeunes, les chômeurs, les femmes», s’amuse le jeune passeur.
Départs de nuit
Comme Farid et ses deux collègues, des réseaux de pas­seurs se sont constitués de part et d’autre de la Grande Bleue. Bien organisés, les passeurs ont des relais un peu partout dans les villes côtières. Des jeunes sont chargés de recruter de nouveaux candidats à l’émigra­tion en Europe, d’autres s’occu­pent de la collecte d’informa­tions sur les conditions de navi­gation et la météo. Ils surveillent également le mouve­ment des garde-côtes et les pa­trouilles des gendarmes.
Les départs se font la nuit par groupes constitués de qua­tre à dix embarcations. Sur cha­que embarcation, on embarque un moteur de secours, un bidon d’essence, une boussole ou un GPS, des gilets de sauvetage… Les harragas n’effectuent pas de préparation spéciale. «La seule consigne est de se tenir assis tout au long de la traver­sée », explique-t-il. Pour chaque traversée, Farid et ses deux col­lègues empochent près de 5000 euros, une somme colos­sale dans un pays où le salaire minimum est de 120 euros.

Un article de Hamid Guemache à Alger pour 24 Heures

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