samedi 16 juin 2007

Deux poids, deux mesures : DANGER

Lire cette opinion d'Hélène Küng dans 24heures.

En février 2007, M. Corboz, conseiller communal, était condamné pour dis­crimination raciale à 90 jours­amendes avec sursis et à 1500 francs d’amende pour avoir «taggé» les murs de Bex de slo­gans racistes. En avril 2007, M. Koroma, ainsi que trois autres jeunes Africains qui avaient manifesté leur colère suite à ces inscriptions, était con­damné à 5 mois de prison ferme pour avoir participé à ce qui a été qualifié d’émeute.
Nous souhaitons revenir sur l’histoire malheureuse de M. Ko­roma, seule personne dans cette affaire, nous le soulignons, à de­voir payer de sa liberté. Dès l’âge de 14 ans et pendant 6 ans, il a dû combattre dans les rangs d’une rébellion qui en avait fait un enfant-soldat. Déposant sa demande d’asile, il précise qu’il est dépendant de la drogue, in­gurgitée pendant des années pour supporter les atrocités qu’on l’oblige à commettre. Sans soutien particulier, livré à lui­même, M. Koroma est envoyé dans un centre pour requérants d’asile. Les autorités lui repro­chent de ne pas avoir entrepris de cure de désintoxication dès son arrivée en Suisse. Mais qui lui a indiqué des possibilités, qui lui a proposé un suivi psycholo­gique pour l’aider à vivre avec son passé? Si une autre réponse que le néant avait pu être appor­tée à ces questions, M. Koroma n’aurait probablement pas con­sommé et vendu de la drogue en Suisse.
Or, le fait d’avoir dealé est la raison retenue pour exclure tout motif excusable à sa colère de ce soir-là, puisqu’il «était bien placé pour comprendre l’exaspération de la population bellerine». Le tribunal laisse-t-il entendre que M. Koroma, parce qu’il a lui­même consommé de la drogue, n’aurait pas dû se laisser envahir par la colère en lisant les slogans de M. Corboz? Ou qu’un petit trafiquant n’a pas droit à la pro­tection contre les atteintes à la dignité humaine? Pourtant la Cour européenne des droits de l’homme a eu l’occasion de rap­peler que «la violence raciale constitue une atteinte particu­lière à la dignité humaine et que, compte tenu de ses consé­quences dangereuses, elle exige une vigilance spéciale et une réaction vigoureuses de la part des autorités».
Le Centre social protestant (CSP) rejette toute forme de jus­tice privée, quelle qu’elle soit, et revendique un climat qui per­mette à toute personne de faire valoir la justice. Les jeunes gens avaient demandé vainement aux autorités d’intervenir afin que M. Corboz cesse ses tags. Cette af­faire démontre un très inégal accès des protagonistes aux moyens légaux à actionner, ainsi que des modes de sanction éton­namment différenciés.
Face aux discriminations, par exemple envers les étrangers, nous estimons nécessaire de sou­tenir toutes les initiatives favori­sant la rencontre et le dialogue. Ce n’est qu’ainsi que les peurs et le rejet naturel que suscite l’In­connu pourront se calmer. Créer un espace social où il fait bon vivre ensemble, dans une paix sociale qui protège les plus fai­bles, doit être un objectif priori­taire de l’Etat ainsi que de la société civile! C’est une tâche dans laquelle le CSP entend con­tinuer à s’impliquer également.
*Avec Myriam Schwab Ngamije, assistante sociale, et Caroline Regamey, sociologue.

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