Lire cette opinion d'Hélène Küng dans 24heures.
En février 2007, M. Corboz, conseiller communal, était condamné pour discrimination raciale à 90 joursamendes avec sursis et à 1500 francs d’amende pour avoir «taggé» les murs de Bex de slogans racistes. En avril 2007, M. Koroma, ainsi que trois autres jeunes Africains qui avaient manifesté leur colère suite à ces inscriptions, était condamné à 5 mois de prison ferme pour avoir participé à ce qui a été qualifié d’émeute.
Nous souhaitons revenir sur l’histoire malheureuse de M. Koroma, seule personne dans cette affaire, nous le soulignons, à devoir payer de sa liberté. Dès l’âge de 14 ans et pendant 6 ans, il a dû combattre dans les rangs d’une rébellion qui en avait fait un enfant-soldat. Déposant sa demande d’asile, il précise qu’il est dépendant de la drogue, ingurgitée pendant des années pour supporter les atrocités qu’on l’oblige à commettre. Sans soutien particulier, livré à luimême, M. Koroma est envoyé dans un centre pour requérants d’asile. Les autorités lui reprochent de ne pas avoir entrepris de cure de désintoxication dès son arrivée en Suisse. Mais qui lui a indiqué des possibilités, qui lui a proposé un suivi psychologique pour l’aider à vivre avec son passé? Si une autre réponse que le néant avait pu être apportée à ces questions, M. Koroma n’aurait probablement pas consommé et vendu de la drogue en Suisse.
Or, le fait d’avoir dealé est la raison retenue pour exclure tout motif excusable à sa colère de ce soir-là, puisqu’il «était bien placé pour comprendre l’exaspération de la population bellerine». Le tribunal laisse-t-il entendre que M. Koroma, parce qu’il a luimême consommé de la drogue, n’aurait pas dû se laisser envahir par la colère en lisant les slogans de M. Corboz? Ou qu’un petit trafiquant n’a pas droit à la protection contre les atteintes à la dignité humaine? Pourtant la Cour européenne des droits de l’homme a eu l’occasion de rappeler que «la violence raciale constitue une atteinte particulière à la dignité humaine et que, compte tenu de ses conséquences dangereuses, elle exige une vigilance spéciale et une réaction vigoureuses de la part des autorités».
Le Centre social protestant (CSP) rejette toute forme de justice privée, quelle qu’elle soit, et revendique un climat qui permette à toute personne de faire valoir la justice. Les jeunes gens avaient demandé vainement aux autorités d’intervenir afin que M. Corboz cesse ses tags. Cette affaire démontre un très inégal accès des protagonistes aux moyens légaux à actionner, ainsi que des modes de sanction étonnamment différenciés.
Face aux discriminations, par exemple envers les étrangers, nous estimons nécessaire de soutenir toutes les initiatives favorisant la rencontre et le dialogue. Ce n’est qu’ainsi que les peurs et le rejet naturel que suscite l’Inconnu pourront se calmer. Créer un espace social où il fait bon vivre ensemble, dans une paix sociale qui protège les plus faibles, doit être un objectif prioritaire de l’Etat ainsi que de la société civile! C’est une tâche dans laquelle le CSP entend continuer à s’impliquer également.
*Avec Myriam Schwab Ngamije, assistante sociale, et Caroline Regamey, sociologue.
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