mardi 22 mai 2007

La gauche ne fait pas face à ses responsabilités

Ce qui effraie particulièrement cette observatrice, c'est le silence presque total des intellectuels face au «national-populisme» de l'UDC. «Ceux qui s'étaient battus contre les lois sur l'asile et les étrangers semblent aujourd'hui totalement désarmés. Il est pourtant possible de démonter rationnellement les discours xénophobes et islamophobes. La mécanique mise en place par l'UDC est connue, des politologues comme Pierre-André Taguieff[1] l'ont démontée en montrant toutes les recettes: on élit un peuple fantasmé, puis on supprime tout lien entre le peuple et le chef. L'UDC nous mène vers une forme de dérive autoritaire soft en maniant populisme et hyperdémocratie. Dans un système politique comme le nôtre, cela permet de pervertir la démocratie directe par une multiplication d'initiatives par lesquelles on vide l'état de droit de sa substance.»
Mme Sambuc est ainsi frappée par la faiblesse des réactions à des propositions de l'UDC qui devraient pourtant soulever l'indignation. Ainsi avec celle visant à créer un droit d'exception permettant d'expulser collectivement toute la famille d'un mineur délinquant. «On prétend répondre à des délits par une injustice encore plus grande, on crée des amalgames entre nationalité et délinquance, et on accentue ainsi des différences fantasmées. A ce rythme, on finira vite par réduire à néant les libertés fondamentales que nous avons péniblement conquises et même renforcées depuis une génération grâce à la mise en oeuvre de la Convention européenne des droits de l'homme.»
L'exemple de l'expulsion est d'ailleurs loin d'être innocent. «On veut expulser ce qui n'est pas pur. Ce qui nous ramène à Nicolas Sarkozy et à son Kärcher... On induit que la Suisse est entachée d'impuretés, de déchets qu'il faut nettoyer. Tout l'argumentaire de l'UDC sur les naturalisations vient d'ailleurs jouer les purs contre les métissés. Et en rendant toute une famille responsable d'un crime, on suggère que c'est toute une communauté qui est responsable des faits et gestes des siens. Aujourd'hui, ce sont les musulmans qui sont pris en otages par cette logique implacable, comme le furent les juifs.»
Mais Mme Sambuc prévient: les étrangers ne sont que des «cas tests» pour la population indigène. «Ce que vise à terme l'UDC, c'est d'être de plus en plus dure avec les faibles et de plus en plus large avec les forts. On nous prépare à accepter toujours plus de restrictions aux libertés fondamentales. Et l'UDC sait masquer son idéologie par un style faisant diversion, se saisissant du moindre fait divers et jouant sur les peurs pour tenir l'électeur en haleine.»
Un style qui laisse les autres partis «groggy», analyse Mme Sambuc. Le centre-droite continue ainsi à chercher des alliances et un consensus avec l'UDC. «Mais on ne peut manger avec le diable sans être contaminé! Dans tous les partis, on ne parle que tactique électorale. Mais les objectifs visés, les valeurs fondamentales sont absentes du discours politique.»
Un constat qui vaut aussi pour la gauche. Mme Sambuc avoue ainsi son «malaise» à l'égard du type de contrat d'intégration qu'a décidé de soutenir le Parti socialiste suisse. «Les socialistes me semblent jouer avec le feu. L'intégration ne se décrète pas. Ainsi, on doit se demander si imposer la fréquentation des cours de langues n'est pas contre-productif: dès qu'on évoque la contrainte, on écarte la dimension du désir de s'intégrer chez l'individu. De plus, je doute que le PS capte ainsi un électorat qui n'est pas attaché à ça. Les tenants des libertés doivent rester clairs sur ce qu'ils veulent défendre. Là, le message est pour le moins brouillé.»
Mais il y a plus grave aux yeux de notre interlocutrice: «La gauche peine à jouer son rôle d'opposition face à l'UDC et aux abus intolérables de son discours. Est-elle trop timide, n'a-t-elle pas pleinement pris conscience de la gravité de la situation? Je m'interroge. Mais je constate qu'elle est tentée, surtout en période électorale, d'esquiver ses responsabilités, en ne posant pas les questions de société fondamentales auxquelles nous confrontent les dérives provoquées par l'UDC.»

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