mercredi 23 août 2006

Une tradition "traumatisante"

Dans le courrier des lecteurs de 24 Heures, la lettre de Mme Monique Gisel, avocate à Lausanne, qui parle de son expérience personnelle au contact des demandeurs d'asile:



Les partisans des lois sur les étrangers et sur l’asile soumises à référendum le 24 septembre affirment souvent qu’elles ne modifieront en rien notre tradition humanitaire. Peut-être ont-ils une autre définition du mot «humanitaire»? Ou est-ce là l’aveu qu’ils ne connaissent pas vraiment le sujet?
J’évoquerai deux situations tirées de ma pratique quotidienne. Un jeune homme a fait des premières crises d’épilepsie quelques mois avant de recevoir une décision ordonnant son renvoi au Cameroun. Il apprend que son médicament n’est pas vendu dans son pays. Nous demandons un délai supplémentaire pour trouver parmi les rares médicaments disponibles celui qui lui convient et éventuellement adopter un traitement qui réduise les effets secondaires.
«Il pourra s’occuper de cela au Cameroun» répond-on pour rejeter sa demande. Bien sûr, avec quatre neurologues pour l’ensemble du pays! Un ou deux mois supplémentaires en Suisse auraient-ils vraiment été un drame?
Gravement traumatisé par ce qu’il a vécu comme enfant, un jeune Sri Lankais fait deux tentatives de suicide à quelques semaines d’intervalle lorsque son renvoi devient imminent. Cela n’empêche pas le Service de la population d’envoyer la semaine suivante des courriers menaçants: s’il ne se présente pas pour préparer son départ, les mesures de contrainte seront applicables. La détention à Frambois est-elle vraiment préférable à un hôpital psychiatrique pour accueillir un jeune suicidaire?
Ce sont les personnes en contact direct avec les étrangers qui essaient de maintenir la tradition humanitaire si malmenée par nos autorités. Quand une jeune Marocaine m’a accusée d’être raciste, j’ai bien été obligée de lui dire que ce n’était pas moi, mais les lois suisses qui l’étaient. J’avais honte.

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