Christoph Blocher a apposé sa marque sur une révision de l’asile lancée par Ruth Metzler. Avant la votation du 24 septembre, il prône le oui à cette loi et celle des étrangers.
A la veille des élections fédérales du 24 septembre prochain sur la révision des lois sur l’asile et sur les étrangers, le ministre de la Justice Christoph Blocher défend son projet. Interview. – La révision des lois sur l’asile et sur les étrangers est-elle un test personnel pour vous?
– Christophe Blocher: Non, d’ailleurs si cette révision était refusée, le bénéficiaire principal en serait l’UDC! De plus, elle ne reflète pas entièrement mes idées. Mais cette loi améliore tout de même les choses. Les vrais réfugiés, avec ou sans papiers, seront accueillis, mais l’attractivité sera réduite pour tous ceux qui veulent venir chez nous, mais ne peuvent prétendre au statut de réfugié.
– Vous convenez tout de même que cette révision porte votre marque. – J’ai donné les impulsions en évaluant les problèmes et ai fait travailler l’office concerné sur mes propositions, parce que je suis responsable de ce département.
– Mais vous avez tout de même bousculé le processus parlementaire d’une révision qui était déjà en cours.
– Une autre loi avait été adoptée au premier Conseil, portant la marque de l’ancien Conseil fédéral et de l’ancien Parlement. Nous avons constaté que cette loi serait insuffisante et il était entendu que je ferais de nouvelles propositions avant qu’elle ne soit examinée par la deuxième chambre. Finalement, le Conseil fédéral et le Parlement ont suivi le remodelage que j’ai proposé.
– Les opposants rappellent que les chiffres de demande d’asile ne sont jamais tombés aussi bas. Faut-il dès lors renforcer la dissuasion?
– Il convient d’abord de préciser que les chiffres ont baissé partout en Europe, parce que pour le moment il n’y a pas de guerre en Europe. Mais cela n’exclut pas que nous soyons soudainement contraints de faire face à 40 000 ou 50 000 demandes. En second lieu, nous avons réussi à diminuer les chiffres parce que nous avons mis sur pied des procédures plus efficaces et que dans les cas de non-entrée en matière, nous n’offrons plus que de l’aide d’urgence.
»Si la loi était refusée, nous adresserions un signal aux organisations de passeurs leur disant: ‹Venez en Suisse, un endroit où des gens qui ne sont pas des réfugiés sont libres de s’installer et de recevoir un appui.› Avec les nouvelles dispositions, nous alignons notre pratique sur celle des autres pays européens, qui sont souvent beaucoup plus durs.
– L’ancien vice-directeur de l’Office fédéral des migrations, Urs Hadorn, estime que la révision rate sa cible parce que la nouvelle loi ne garantit pas une accélération de la procédure de décision. Qu’en pensez-vous?
– Il n’a pas tort de dire que la révision ne règle pas tous les problèmes. Mais elle améliorera certainement les choses. Et si notre projet manque vraiment d’efficacité, les opposants n’ont aucune raison de le craindre.
– La question des papiers d’identité à remettre dans les 48 heures est celle qui suscite le plus de polémiques. On ne reconnaîtra désormais plus ni permis de conduire, ni actes de naissance. N’est-ce pas excessivement restrictif?
– Les 48 heures sont déjà la règle d’aujourd’hui! L’expérience nous a appris que ce type de papier est fréquemment falsifié, ce qui entraîne la nécessité de poursuivre des requérants pour faux et usage de faux. Un passeport ou une carte d’identité constitue la preuve de l’identité de la personne. En leur absence, nous exigeons que la personne nous dise qui elle est et où elle réside. Nous pouvons ainsi vérifier par le biais de nos ambassades. Ce n’est quand même pas trop exiger d’un requérant d’asile de lui demander de décliner son identité. Les véritables réfugiés n’ont d’ailleurs guère ce problème: 70 à 80% d’entre eux ont des papiers valables. A l’avenir, il en ira de même.
– Il y a toujours des personnes qui sont contre une loi. Mais ce sont des gens qui ne souffrent pas des conséquences du problème des abus. Ce sont d’autres couches sociales qui sont les victimes de la présence illégale d’étrangers et qui sentent les effets sur le marché du travail et de la petite criminalité...
»Ce que ce comité propose déboucherait sur une situation intenable. Supprimer toutes les discriminations dans la loi sur les étrangers implique d’étendre la libre circulation au monde entier! Cela suscitera du chômage et des tensions sociales incroyables.
»En ce qui concerne la loi sur l’asile, ils laissent entendre que cela ne fait rien s’il y a quelques clandestins qui viennent et que nous ne les renvoyons pas chez eux. Ils affirment être contre les abus, mais ne proposent aucune solution concrète.
– Vous avez évoqué les risques d’une libre circulation généralisée. Ce n’est certainement pas le cas aujourd’hui. Mais vous durcissez tout de même les lois actuelles...
– Pas du tout. Cette révision ne va pas au détriment de certains étrangers. On améliore simplement la situation des Européens. A partir de 2011, ils seront traités sur le marché du travail de la même façon que les Suisses. Auparavant, il fallait prouver qu’on n’arrivait pas à trouver un Suisse avant d’engager un étranger. Dès 2011, ce n’est que si on ne trouve pas de Suisse ou de ressortissant de l’UE qu’on recevra l’autorisation d’engager quelqu’un venant d’une autre partie du monde. Le ressortissant européen voit donc sa situation s’améliorer sur le marché du travail suisse. Si on veut éliminer cette «discrimination», il n’y a qu’une solution: introduire la libre circulation pour le monde entier.
– Est-ce que le système actuel donne à la Suisse les instruments de politique d’immigration dont elle a besoin?
– Elle a en tout cas les instruments nécessaires pour disposer des forces de travail dont elle a besoin. La question qui reste posée, c’est de savoir si nous pourrons absorber le surplus de force de travail qui arrivera lorsque la libre circulation entrera en vigueur en 2011.
»Avec la nouvelle loi, nous disposerons aussi des instruments indispensables pour améliorer l’intégration des étrangers.
– Quand on dit à quelqu’un: «Ta demande est refusée, tu dois rentrer à la maison, mais je te donnerai de l’argent chaque mois!» il ne comprend pas. Aujourd’hui, la Confédération verse 4800 francs d’aide sociale à une famille de quatre personnes qui doit en principe rentrer chez elle. On leur donne cet argent alors que ces personnes n’ont pas le droit de rester: c’est une contradiction!
– Le fait qu’un demandeur d’asile débouté peut être emprisonné jusqu’à deux ans suscite aussi de virulentes critiques.
– Tout d’abord, il faut savoir qu’il existe trois formes d’emprisonnement différentes. Prises ensemble, on aboutit à ce chiffre de deux ans. Mais cela ne veut absolument pas dire que tout le monde passe par ces trois formes d’arrêts et arrive ainsi à deux ans d’emprisonnement! Il est possible que cela arrive dans certains cas tout à fait extrêmes, mais c’est plutôt improbable. C’est aussi soumis aux juges. »Pourquoi avons nous prolongé les peines d’emprisonnement? Il existe des «durs» qui ne sont absolument pas prêts à coopérer. Ils pourraient partir, ils doivent partir mais ne le font pas. La détention en vue de l’expulsion est actuellement limitée à 9 mois au maximum.
»On a alors vu des gens qui sont restés jusqu’au dernier jour avant de dire qu’ils acceptaient de quitter le pays. Mais au moment où ils arrivaient au pied de l’avion, ils ont fait un tel scandale que les pilotes ont refusé de les prendre à bord.
»Le temps légal de détention était alors épuisé, ces gens étaient libres et tout recommençait depuis le début. Pour cette raison, les cantons ont réclamé une prolongation.
– Si ces lois passent, votre parti ne perd-il pas son thème favori?
– Je l’espère. Cela signifierait que cela fonctionne.
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