Lire l'édito de Beat Grossenbacher dans le Journal du Jura
ui, des demandeurs d'asile abusent de l'hospitalité helvétique. Oui, des étrangers s'adonnent à des activités criminelles. Il serait malhonnête de nier cette réalité de la Suisse contemporaine. Sont-ils pour autant tous des profiteurs et des criminels en puissance? Sont-ils en train de piller les caisses de l'aide sociale? Volent-ils systématiquement leur travail aux Suisses?
Tendancieuses, ces questions ne résistent pas à un examen honnête de la situation. Si nous connaissons certainement tous l'un ou l'autre cas douteux, voire scandaleux, ça n'autorise pas une généralisation - abusive - du propos. Et pourtant, l'art de l'amalgame est utilisé avec beaucoup d'habileté et sans états d'âme dans le débat sur les deux objets soumis au peuple suisse ce dimanche: la nouvelle loi sur les étrangers et la modification de la loi sur l'asile.
En fait, c'est l'hypothèse de travail du législateur qui est tendancieuse. Partant de l'idée que derrière tout demandeur d'asile se cache un éventuel profiteur, il a mis en place un arsenal de mesures si contraignantes, si dures que plane la menace de l'injustice et de la bavure. Un exemple, un seul! Aujourd'hui, huit requérants sur dix sont dépourvus de véritables papiers d'identité. Avec la nouvelle législation, le cas de ces huit personnes risque d'être assimilé à un abus du droit d'asile. Leur dossier sera alors frappé du sceau de la non-entrée en matière. Or, il est établi que près de la moitié de la population mondiale ne possède tout simplement pas de documents personnels dignes de ce nom... Ce n'est pas des tricheurs pour autant!
La manœuvre est cousue de fil blanc: à terme, il faut qu'on sache à travers le monde que la Suisse n'est plus une terre d'asile. Certes, on sera alors très loin des valeurs humanitaires qui ont fait notre réputation, mais, au moins, cela évitera à des hommes, des femmes et des enfants en quête de protection de se fourvoyer... D'ici là, combien en aurons-nous injustement renvoyés sur les chemins de l'errance, quand nous ne les aurons pas remis entre les mains de leurs tortionnaires? Avec les dispositions prévues dans le texte, le risque existe. Ce n'est pas digne de notre Etat de droit!
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