mercredi 19 juillet 2006

Le Liban n’est pas si loin

Sous la rubrique "Opinions" du 24 Heures, lire les réflexions de Nanda Ingrosso en marge de la guerre au Proche-Orient

En 1997, Ahmed S., Liba­nais, dépose une de­mande d’asile en Suisse. En 2003, le canton de Vaud présente à Berne les dossiers de «1253» personnes requérantes d’asile, sous l’angle de la circu­laire Metzler, dont celui d’Ah­med.
En 2004, il apprend qu’il fait partie du tristement célèbre groupe des «523» et qu’il va être expulsé.
Les luttes contre les expul­sions des «523» débutent. Péti­tions, manifestations, actions, refuges s’organisent! Début 2005, le Grand Conseil accepte une motion exigeant la régulari­sation des personnes du groupe des «523».
Ahmed S. est arrêté par la police le 5 octobre 2005. Il est amené devant la Justice de Paix, pieds et mains menottés, humi­­lié, traité comme un véritable danger public. Objectif: son ex­pulsion. Mais son attestation de séjour est encore valable et la juge de Paix le libère!
Cette tentative d’expulsion est d’autant plus choquante qu’elle intervient quelques jours avant que M. Jean-Claude Mermoud, conseiller d’Etat, rende publi­que la motion Melly.
Ahmed est donc libre… Libre, mais toujours la peur au ventre, la crainte d’une arrestation, l’angoisse de l’expulsion. Les mêmes peurs, les mêmes an­goisses que vivent des centaines de personnes en attente d’une régularisation depuis des an­nées. L’interdiction de travail détériore encore plus leur situa­tion.Grâce aux très larges résistan­ces, les autorités vaudoises doi­vent retourner à Berne négocier l’avenir des «523»… devenus «229», des personnes ayant été régularisées et quatre expulsées. Début juillet 2006, «67» per­sonnes sont enfin régularisées et obtiennent en majorité un permis B. Parmi celles-ci, Ah­med!Mais la joie est de courte durée. Le 12 juillet 2006, la guerre éclate au Liban, après cinq ans de paix seulement. La population libanaise, sous les bombes, est victime d’une «pu­nition adéquate». Voilà où l’on voulait renvoyer Ahmed… Parmi 23 victimes à Marwaine (Liban), la mère et la tante d’Ahmed meurent sous les bombes israéliennes. Son père et son frère sont actuellement hospitalisés, gravement blessés. Ahmed ne les avait pas revus depuis son arrivée en Suisse. Durant neuf ans, Ahmed, comme tous les autres requé­rants d’asile, a été isolé de sa famille, de ses amis, de ses pro­ches.Le permis B d’Ahmed est «ac­cordé » bien tard, trop tard.En Suisse, des milliers de per­sonnes souffrent de cette at­tente interminable, souffrent car leurs droits sont bafoués par les autorités, sous prétexte de chasse aux «abus». Ahmed a été enfin régularisé. Qui abuse de qui?Pour les «146» personnes dont le cas doit encore être traité, toutes ces angoisses et ces peurs continuent. Jusqu’à quand?La Coordination asile Vaud est satisfaite des permis obte­nus jusqu’à ce jour. Mais la lutte n’est pas termi­née… Parmi le groupe des «523», «146» attendent et «16» personnes doivent se pré­senter à nouveau au Service de la population afin de «préparer leur départ», en réalité leur ex­pulsion. «16» personnes qui ne savent pas pour quelles raisons elles ne sont pas régularisées au même titre que les «67». Ces décisions sont injustes. Mais il n’y a pas de place pour la justice dans l’arbitraire. Ces «16» per­sonnes, comme toutes les autres, vont continuer à se bat­tre pour obtenir une régularisa­tion.La Coordination asile Vaud va poursuivre sa lutte avec les re­quérants afin que chaque per­sonne obtienne le droit de vivre ici. Elle se solidarise aussi avec Ahmed et les populations civiles face au drame qui les frappe. «Parmi 23 victimes à Marwaine, la mère et la tante d’Ahmed meurent sous les bombes israéliennes.Son père et son frère sont actuellement hospitalisés, gravement blessés»

L’INVITÉE NANDA INGROSSO
■ Membre de la Coordination asile Vaud "

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