Lire l'opinion de Jacques Neirynck dans 24heures
«Il ne s’agit plus d’une loi sur les étrangers, mais d’une loi contre les étrangers.
D’un bout à l’autre, on légifère comme si l’immigrant constituait une peste»
Supposons que vous soyez responsable d’une paroisse à un titre quelconque, pasteur, curé, président du conseil pastoral. Vous rencontrez des étrangers en situation irrégulière, sans autorisation de séjour. Vous les hébergez régulièrement dans les locaux de la paroisse. Dès lors, vous tombez sous le coup de l’article 116 de la nouvelle loi sur les étrangers promulguée le 16 décembre 2005. C’est-à-dire que vous risquez cinq ans de prison et 500 000 francs d’amende. Selon la loi précédente, datant de 1931, le Suisse complice d’un étranger en situation irrégulière risquait six mois au maximum et rien si ses mobiles «étaient honorables».
On a de la peine à croire qu’une telle loi a pu être votée en 2005. Un citoyen suisse pourrait être mis en prison pour avoir cédé à une compassion bien naturelle à l’égard d’un étranger rejeté de partout. Pour avoir pris au sérieux certaines paroles d’évangile qui font un devoir au chrétien de se porter au secours des persécutés. Comment les élus du peuple suisse ont-ils pu accepter que de telles sanctions soient applicables à leurs concitoyens? Bien entendu, dans la situation actuelle, cette loi serait appliquée avec modération: la prison serait assortie du sursis, l’amende n’atteindrait pas le maximum prévu. Mais un tel texte se révélera une arme redoutable entre les mains d’un fonctionnaire xénophobe dans une situation d’urgence.
Cette loi dépasse les sanctions prises à l’égard des Suisses qui se sont laissé toucher par la compassion envers les juifs pendant la Seconde Guerre mondiale… A l’époque, on pouvait à la rigueur comprendre le souci d’arrêter une émigration massive de juifs allemands vers la Suisse. Mais cette loi condamna indirectement à mort les fuyards qui tombaient sous son coup. Cinquante ans plus tard et trop tard, l’application de cette loi a donné lieu à des excuses. Et au règlement d’une amende de plus de 1 milliard par des banques suisses.
Aujourd’hui on recommence et on exagère démesurément la répression, comme si on n’avait rien appris, comme si nous étions dans une situation d’urgence. Il ne s’agit plus d’une loi sur les étrangers, mais d’une loi contre les étrangers. D’un bout à l’autre, on légifère comme si l’immigrant constituait une peste. Même l’étudiant étranger n’est admis que dans la mesure où «il paraît assuré qu’il quittera la Suisse» au terme de ses études. Certes, il ne s’agit pas ici de la situation de détresse évoquée plus haut. Mais il est absurde de dépenser les finances publiques pour instruire des spécialistes que l’on fournit ensuite gratuitement aux Etats-Unis. Or, les jeunes chercheurs étrangers reçoivent en même temps que leur doctorat l’ordre de quitter le territoire. Tout au plus obtiendront-ils un permis de séjour «dans la mesure où leur activité revêt un intérêt scientifique prépondérant ». Aux Etats-Unis, on fait tout ce qu’il faut pour que le chercheur étranger demeure dans le pays. On a compris qu’un immigrant constitue un gain pour la nation et non une perte.
Cette loi contre les étrangers est actuellement visée par un référendum demandant qu’elle soit soumise au vote du peuple. L’intérêt de la démocratie directe est d’impliquer tous les citoyens face à une décision aussi grave. S’ils n’abolissent pas cette loi, ils en deviendront responsables collectivement. Il vaut donc la peine d’appuyer par sa signature cette demande de référendum.
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