lundi 5 décembre 2005

Une cause juste pour les juifs vaudois


C'est maintenant le tour de la communauté juive de livrer son analyse dans la page opinion de 24heures. Laissons la plume à Laurent Schwed et Marcel Cohen-Dumani
Voici plus d’une année et demie que l’actualité politique vaudoise est rythmée par l’affaire dite des «523» requérants déboutés. Une année et demie que les forces vives de la société civile et les institutions de ce canton se font front, sans trouver de solution à la question posée: peut-on renvoyer en toute dignité des femmes, des hommes et des enfants qui depuis longtemps vivent auprès de nous? Peut-on user sur ces personnes des mesures de contrainte?
Comme jamais auparavant, les Eglises protestante et catholique de ce canton se trouvent sur le devant de la scène politique en défendant les requérants dé­boutés, ce qu’elles estiment être une cause juste. Depuis le début, la communauté juive s’y est asso­ciée. Peu présente médiatique­ment et réservée, notre commu­nauté se doit de l’affirmer publi­quement aujourd’hui.
La motion du député radical Melly, acceptée par la majorité du Grand Conseil vaudois, a montré combien le Législatif du canton ne veut pas voir s’appliquer des mesures de contrainte inhumai­nes en cas de renvoi. Cette majo­rité politique a donné un signal clair au gouvernement pour qu’il mette fin à ces pratiques d’un autre âge. En vain, et ce alors que de nombreuses organisations de défense de la personne en Suisse et à l’étranger condamnent l’utili­sation des mesures de contrainte. Beaucoup ont regretté que le Conseil d’Etat vaudois n’ait pas saisi la chance politique de la motion Melly pour régler ce drame. Nous nous y associons, d’autant plus que nos affiliations politiques respectives, radicale et socialiste, se doivent d’être dépas­sées dans pareille situation.
Mais c’est surtout en tant que juifs que nous écrivons, en tant que membres du comité de la Communauté israélite de Lau­sanne et du canton de Vaud (CILV) et en son nom. A ce titre, nous ne pouvons que déplorer la position actuelle du Conseil d’Etat qui persiste à vouloir user d’artifice d’un autre âge pour for­cer le retour des requérants dé­boutés. Pour tout croyant, cette position est intolérable, et imagi­ner que nos autorités politiques considèrent ce moyen comme la seule manière d’appliquer la loi nous laisse amers. Pour nous, se cacher derrière son application au sens strict de la lettre, sans com­passion ni souci de reconnaître que parfois la justice se trompe, est inacceptable. Bref, elle me­nace de devenir totalitaire, et cette rigidité éveille de tristes sou­venirs vécus par nos parents.
On le comprend, la CILV ne veut pas, et ne peut plus rester discrète et hors du débat. Certes, notre Communauté ou ses mem­bres entreprennent des actions ponctuelles sur ce dossier, car les requérants déboutés sont parfois des amis, des collègues de travail ou les camarades de classe de nos enfants. Certes aussi, nous nous allions aux Eglises du canton dans des déclarations communes, ou nous parrainons, comme c’est le cas de l’un des signataires de ce texte, des requérants déboutés. Mais nous savons notre action modeste et symbolique. Ce que nous voulons aujourd’hui c’est donner une dimension publique à notre action et faire un appel. Peut-être plus que toute autre communauté, notre devoir de mémoire passe par l’action à l’égard des plus fragiles et des plus démunis. Et c’est dans ce but que nous demandons au Conseil d’Etat et au Grand Conseil qu’ils trouvent ensemble une solution politique digne qui n’engendre pas que détresse et douleur à des personnes que nous avons ac­cueillies.

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