Selon Antoine Grosjean dans la Tribune de Genève, le référendum sur l'asile va être du pain béni pour les xénophobes et l'UDC...
Voici son article:
Christoph Blocher a de quoi boire du petit-lait! L'UDC a encore réussi à imposer ses vues sur la dernière révision du droit d'asile. Une fois de plus, le ton est durci. Hormis quelques ultimes divergences entre le Conseil des Etats et le Conseil national - qui devraient être gommées au cours de la session actuelle - le texte ne bougera pas d'un pouce. Comme si cela ne suffisait pas, le référendum que la gauche ne manquera pas de lancer contre une loi jugée inique, offrira à l'UDC une nouvelle occasion de croiser le fer sur un de ses thèmes de prédilection.
Il faut dire que la gauche n'a pas trop le choix: elle se doit de lancer ce référendum. Cela fait partie de son rôle. «Nous ne pouvons pas faire l'économie d'un référendum», reconnaît le président du Parti socialiste, Hans-Jürg Fehr. «C'est une question d'honneur. Il faut que quelqu'un dans ce pays défende la tradition humanitaire.» Pour la conseillère nationale genevoise Maria Roth-Bernasconi, c'est même davantage que cela: une question morale. «Je veux pouvoir dire à mes petits-enfants qu'on a tout fait pour empêcher la blochérisation de la Suisse», confie la socialiste. «Nous devons montrer qu'il n'y a pas que cette Suisse xénophobe et repliée sur elle-même.»
Une arme à double tranchant
Mais le référendum est une arme à double tranchant. S'il est balayé par une forte majorité des électeurs, cela ne fera que donner une caution populaire supplémentaire à la politique blochérienne. Or, la question n'est pas tant de savoir si le référendum sera rejeté, mais de combien. En effet, les dernières tentatives de ce genre - en 1994 contre les mesures de contrainte, et en 1999 contre la précédente révision de la Loi sur l'asile - n'ont même pas recueilli 30% des suffrages. Malgré tout, Hans-Jürg Fehr, comptant sur la coalition des Eglises, des œuvres d'entraide et des cantons, fait mine de croire que les chances de succès ne sont pas nulles.
Si ce référendum met les socialistes dans une position délicate, démocrates-chrétiens et radicaux ne sont pas mieux lotis. Une campagne sur un thème aussi sensible ne fera qu'accentuer la polarisation de la scène politique helvétique, ce qui n'a jamais réussi aux partis centristes. Et puis, cela les obligera à se profiler sur un sujet qui est cause de divisions internes.
Les démocrates-chrétiens en particulier sont gênés aux entournures. Pourtant, la direction du parti feint de croire qu'elle peut encore sauver les meubles. «Il est trop tôt pour dire si le résultat de cette révision est totalement mauvais ou si l'on peut vivre avec», temporise la présidente du PDC Doris Leuthard. «Le Conseil des Etats doit prendre certaines décisions, on peut encore corriger le tir.» Tentative désespérée de repousser l'échéance fatale où le parti devra faire quelque chose de très peu centriste: prendre position.
Chez les radicaux, on ne se cache pas la tête dans le sable. Le conseiller national vaudois Yves Christen l'admet, «l'UDC a tout à gagner à ce référendum et nous avons tout à y perdre. Mais au-delà de la tradition humanitaire, il est nécessaire de reprendre en main et de maîtriser l'asile.»
«Le musée des horreurs»
C'est un long chantier qui va entrer dans sa phase finale demain. Cette nouvelle révision de la Loi sur l'asile a en effet été lancée il y a trois ans, alors que Christoph Blocher n'était pas encore conseiller fédéral. Il aura fallu tout ce temps pour arriver à ce que l'Organisation suisse d'aide aux réfugiés qualifie aujourd'hui de véritable «musée des horreurs». Parmi les points les plus controversés, la suppression de l'aide d'urgence pour les requérants frappés d'une non-entrée en matière a fait couler beaucoup d'encre depuis son entrée en vigueur début 2004.
Autre point controversé, le prolongement de la durée maximale de détention administrative (les fameuses mesures de contrainte, soit la détention en vue de l'expulsion), qui passera de douze à vingt-quatre mois. Par ailleurs, les demandes de personnes qui ne produisent pas de papiers d'identité, ou de documents de voyage, dans les 48 heures ne seront plus prises en compte, ce que les défenseurs du droit d'asile estiment être une violation des Conventions de Genève, dont la Suisse est dépositaire. Mais cela ne semble pas troubler le patron du Département fédéral de justice et police. Après tout, n'a-t-il pas suggéré de modifier la Constitution à propos de la suppression de l'aide d'urgence également aux requérants déboutés qui ne coopèrent pas en vue de leur expulsion. Le Tribunal fédéral avait jugé cette mesure anticonstitutionnelle
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