Parmi les nombreuses réactions à l'acceptation des bilatérales II, voici celle de Didier Estoppey dans Le Courrier qui met en évidence la notion très restrictive de cette "libre circulation des personnes", dès lors que les dividendes économiques ne sont plus immédiats.
Genève et la Suisse respirent. Les pythies qui annonçaient un «non» à la libre circulation des personnes en restent pour leur frais, au bout du lac comme au plan fédéral. La Suisse peut donc poursuivre sa lente voie solitaire vers l'intégration européenne. Et la droite bourgeoise comme les syndicats se congratuler en se félicitant d'un partenariat social renouvelé.
Les occasions de faire la fête sont trop rares dans ce pays pour ne pas se réjouir de cette victoire d'étape. Un triomphe du «non» n'aurait pu que profiter, quoique en dise une certaine gauche, à ceux qui ne voient leur survie que dans une Suisse des peurs et du repli.
Ce serait toutefois faire preuve d'aveuglement que de se satisfaire de ce 25 septembre avec un sourire béat. Beaucoup de choses ont déjà été dites quant à la vigilance dont devront faire preuve les syndicats pour mettre en oeuvre les mesures d'accompagnement obtenues et éviter la pression à la baisse sur les salaires, que le patronat appelle ouvertement de ses voeux. Mais un autre élément est resté quant à lui totalement absent de la campagne: ces personnes humaines auxquelles la Suisse prétend élargir la «libre circulation».
Les hasards du calendrier veulent que le Conseil national revienne dès ce lundi sur d'autres volets de notre politique migratoire, en se penchant sur la nouvelle Loi sur les étrangers et la révision de celle sur l'asile. Et force et de constater que là, on ne parle plus beaucoup ni d'humanité ni de liberté...
La Loi sur les étrangers résonne cruellement comme le pendant du vote d'hier. L'extension aux dix nouveaux membres de l'Union européenne du droit à venir travailler en Suisse a été vendue par nos autorités comme leur ultime horizon migratoire. En contrepartie, le Parlement s'apprête à adopter une loi raciste, verrouillant pratiquement nos frontières à toute main d'oeuvre non européenne. Une loi qui fait fi des réalités: des dizaines de milliers de travailleurs de l'ombre actifs clandestinement dans de nombreux secteurs de notre économie. Le canton de Genève reste pour l'instant bien seul dans sa demande de régularisation collective de ses sans-papiers. On se réjouit d'entendre les centrales patronales et syndicales qui se gargarisent du vote d'hier venir soutenir sa requête...
La Loi sur l'asile que s'apprête à avaliser le National, dans sa version durcie par le Conseil des Etats, est quant à elle un pur scandale dénoncé par de multiples organisations de défense des droits humains. Parmi la longue liste des durcissements annoncés, le seul retrait de l'aide sociale à l'ensemble des requérants déboutés, comme c'est déjà le cas pour ceux frappés de non entrée en matière, a de quoi faire froid dans le dos.
Il a beaucoup été question, ces dernières semaines à Genève, des frontaliers. Un autre événement est quant à lui passé pratiquement inaperçu: l'histoire tragique de ce requérant africain retrouvé mort dans la rue. L'heure du sursaut a sonné. Et les forces de gauche qui, a l'instar des socialistes et des verts, s'attribuent le mérite de la victoire d'hier ont encore du pain sur la planche avec le double référendum qui s'annonce.
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