mardi 20 septembre 2005

Fait divers: une fillette accouche à dix ans

Au delà du fait divers tragique, cette histoire met en lumière la face cachée de notre société...

Voici le récit de Laurent Nicolet dans Le Temps

Chablais, terre d'accueil


Tout débute en 1997. Une Camerounaise âgée alors d'une trentaine d'années – appelons-la Julie –, quitte son pays natal pour un séjour en Suisse, dans le but de rendre visite à sa sœur installée dans une bourgade du Chablais valaisan.

Après avoir déposé une demande d'asile, elle fait la connaissance de son futur mari, un Valaisan travaillant comme menuisier dans l'entreprise familiale. Julie retourne ensuite au Cameroun, où son soupirant valaisan la rejoint bientôt. Le couple se marie sur place, puis regagne le Valais et s'installe à Martigny. Après quelques mois, Julie fait venir du Cameroun, au bénéfice du regroupement familial, trois enfants: un garçon, aujourd'hui adolescent, dont elle n'est pas la mère mais qu'elle aurait recueilli orphelin, puis deux fillettes, qu'elle a eues de deux pères différents, et âgées aujourd'hui de treize et dix ans. Julie travaille bientôt comme concierge dans son immeuble et s'occupe également de personnes âgées. Le mari valaisan, lui, ne travaille plus et est au bénéfice d'une rente AI.

Le coup de théâtre

Puis arrive le coup de théâtre: la plus jeune des fillettes, encore à l'école primaire, est enceinte. Les services sociaux alertent la justice, qui poursuit d'office ce genre d'infraction. Les soupçons se portent d'abord sur un Italien de 68 ans, au bénéfice d'un permis C et qui est l'amant de Julie. L'homme reconnaît avoir eu des relations sexuelles avec la fillette, et est incarcéré quelques jours, avant un spectaculaire rebondissement: les tests ADN établissent qu'il n'est pas le père de l'enfant.

Le prévenu avait prétendu n'être pas pédophile, mais «aimer les très jeunes femmes» et avoir cédé aux avances de la fillette, qu'il allait attendre à la sortie de l'école et qu'il couvrait de cadeaux. Des rumeurs de prostitution enfantine ont été évoquées dans le cadre de l'enquête.

Aujourd'hui un avocat et tuteur a été commis d'office pour la défense des intérêts de la fillette et de son bébé, qui a été placé dans une famille d'accueil. L'enquête, elle, se poursuit, avec probablement de nouveaux tests ADN, une nouvelle piste étant suivie grâce à certaines déclarations de l'écolière.

Les enquêtes

Cheffe du Service des étrangers, Françoise Gianadda, qui a souvent justifié la dureté de certaines de ses décisions en invoquant la protection des femmes et des enfants et une intégration rendue aléatoire par le fossé culturel, explique avoir demandé, au moment du mariage de Julie avec son conjoint valaisan, des renseignements auprès de la commune et des services sociaux de Martigny, pour vérifier qu'il ne s'agissait pas d'une union factice: «Lui était ce qu'il faut bien appeler un pauvre type, un alcoolique, et elle était liée à la prostitution. Mais on m'a répondu que tout était en ordre. On m'a dit la même chose au moment du regroupement familial, me certifiant que le couple était apte à prendre en charge les trois enfants. Ce n'est que plus tard qu'on s'est aperçu que le garçon n'était pas le fils de cette femme.»

«N'a-t-on pas voulu voir?»

Françoise Gianadda s'étonne aussi de ce que «personne, dans l'entourage éducatif et social, ne se soit aperçu de quelque chose. Jusqu'au dernier moment, la fillette elle-même ne savait pas qu'elle était enceinte». Chef du gouvernement et du Département de l'éducation, Claude Roch a expliqué hier soir que ses services n'avaient «commis aucune faute» dans la gestion du dossier, sitôt la grossesse connue, soit au septième mois. Françoise Gianadda, elle, pose néanmoins la question qui fait mal: «Est-ce qu'on n'a pas voulu voir, ou ne sommes-nous, à l'école, dans les services sociaux, les chambres pupillaires, simplement plus capables de voir ce qui se passe autour de nous?»

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