lundi 26 septembre 2011

Une loi chère, inutile, inique

Jeudi dernier à Strasbourg, des représentants d’une soixantaine de municipalités ont partagé réflexions et expériences sur des solutions d’intégration des Roms, à l’initiative du Conseil de l’Europe. Genève n’y était pas représenté et c’est fort regrettable.

Confronté depuis des années à la mendicité de cette population nomade, miséreuse et discriminée, le canton a répondu à cette pauvreté importée par sa criminalisation. Brandir le bâton a certes fonctionné électoralement pour certains élus et partis. Mais l’interdiction de la mendicité et les milliers d’amendes envoyées en recommandé en Roumanie n’y ont rien fait. Pas plus que les inlassables destructions de campements sauvages estivaux, aussitôt éliminés, aussitôt réinvestis. Les mendiants continuent de mendier.
On a à présent une idée du coût exorbitant de cette répression: plus de 3 millions de francs sur la période examinée de dix-huit mois, selon le gouvernement, qui ne compte pas le travail de la police municipale et réduit l’ampleur des frais de justice. Mesemrom parle plutôt de 20 millions!
Enfermé dans la logique de criminalisation, le porte-parole d’Isabel Rochat, conseillère d’Etat chargée de la police, n’y voit aucun problème, puisque, par analogie, arrêter un assassin n’est pas censé remplir les caisses de l’Etat.
Comparer un mendiant à un tueur est pour le moins malvenu. Surtout de la part du porte-voix d’une magistrate qui veut voir en Genève un coupe-gorge. Dans cette perspective, on comprend encore moins pourquoi la police perd son temps et l’argent du contribuable à harceler des mendiants inoffensifs. Il serait temps de fixer des priorités intelligentes en matière de sécurité. Cela éviterait peut-être de devoir promettre – en l’air – l’engagement immédiat de trois cents policiers...
La loi contre la mendicité est vieille de plus de trois ans et demi. Elle a prouvé durant tout ce temps son inutilité, mais surtout le cynisme des élus et des autorités, plus prompts à satisfaire les réflexes de rejet qu’à répondre au dénuement d’une population ostracisée chez elle. En Europe, les Roms sont 10 à 12 millions à vivre dans des conditions dignes du tiers-monde.
A Genève, ils dorment à deux pas de chez vous, sous un pont ou derrière une balustrade. Plutôt que d’ouvrir un abri, la police et la voirie les chassent régulièrement, le temps d’une nuit sans couvertures. Ça ne résout rien, mais cela donne l’impression qu’on agit.
L’aurait-elle voulu, Isabel Rochat ne pouvait se rendre à Strasbourg jeudi. Ce jour-là, elle parlait tolérance zéro avec son nouvel ami Rudy Giuliani.

Edito de Rachad Armanios dans le Courrier

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