mercredi 21 septembre 2011

L’éligibilité des étrangers crispe la Constituante

L’avant-projet de nouvelle Constitution genevoise n’accorde pour l’heure formellement aucun élargissement des droits politiques aux étrangers, en sus du droit de vote communal acquis en 2005 en votation populaire. L’octroi de l’éligibilité au niveau communal après huit ans de résidence en Suisse n’est pas passé à la trappe hier, mais il a été placé par la majorité de droite de l’Assemblée constituante dans une disposition transitoire.

L’avant-projet de nouvelle Constitution genevoise n’accorde pour l’heure formellement aucun élargissement des droits politiques aux étrangers, en sus du droit de vote communal acquis en 2005 en votation populaire. L’octroi de l’éligibilité au niveau communal après huit ans de résidence en Suisse n’est pas passé à la trappe hier, mais il a été placé par la majorité de droite de l’Assemblée constituante dans une disposition transitoire. Résultat: ce serait au Conseil d’Etat de soumettre la question à la population, deux ans au plus tard après l’entrée en vigueur de la nouvelle Constitution.

La Constituante n’est décidément pas avare en coups de théâtre. Les débats en commission, les votes en séance plénière, tout laissait accroire que l’inscription du droit d’éligibilité dans le projet disposait d’une solide majorité. Pour la gauche et les associations, c’était le strict minimum: «C’est sur les droits politiques au niveau cantonal que le vrai débat devait avoir lieu», a déploré Florian Irminger (Verts et Associatifs). Mais hier ces élus ont dû déchanter. C’est dans leur dos que des groupes de droite ont négocié un accord inspiré par un amendement de la démocrate-chrétienne Béatrice Gisiger.

«L’immobilisme qui nous est proposé n’est pas un progrès», a lancé très irrité Yves Lador (groupe Associations). Réponse un peu plus tard de Murat Alder (Radical ouverture): «Nous sommes parfois amenés à faire des compromis avec nos rêves. C’est douloureux, mais c’est réaliste.»

Recul ou avancée?

La situation est en réalité passablement ambiguë. «Le PDC n’a absolument pas changé de position et pense qu’il est temps d’accorder le droit d’éligibilité au niveau communal, a assuré ainsi Béatrice Gisiger pour son groupe. Mais je vous encourage à aller par petits pas.» «Et moi, je suis stupéfait qu’un amendement de dernière minute vienne remettre en cause la seule petite avancée acquise», lui a rétorqué Maurice Gardiol (Socialiste pluraliste).

De son côté, Pierre Kunz (Radical ouverture) a expliqué que c’est pour ne pas mettre en danger l’entier du projet de Constitution qu’il fallait extraire l’éligibilité des étrangers: «Notre mission est de présenter au peuple un projet qu’une majorité puisse accepter», a-t-il conclu. Michel Ducommun (solidaritéS) rejette le procédé: «On pourrait aussi bien abandonner l’entier de nos responsabilités et sortir tous les sujets qui fâchent de la même manière», a-t-il ironisé.

Non, mais oui…

Lionel Halpérin (Libéraux & Indépendants) a joué franc jeu en annonçant qu’il était opposé à l’octroi de ce droit aux étrangers, préférant la voie de la naturalisation. Ce qui ne l’a pas empêché, ainsi que son groupe, d’approuver la disposition transitoire. Pour Michel Barde (G[e]’avance) «c’est un bon compromis car elle permet d’apaiser les esprits».

Il y a donc des oui, des oui mais et des non mais dans la majorité qui s’est imposée (33 oui, 23 non et 19 abstentions). Mais c’est du côté des opposants purs et durs (en premier lieu l’UDC, ensuite le MCG) qu’il faut aller chercher une bonne part de l’explication du vote d’hier. L’UDC a toujours affirmé qu’elle ne soutiendrait pas le projet de Constitution si les étrangers se voyaient accorder de nouveaux droits politiques. La disposition transitoire permet d’éviter le clash. En tout cas momentanément.

Un vote qui n’est pas définitif

Car, il faut le rappeler, l’option prise hier n’est pas définitive. «L’objectif est d’aller jusqu’au bout de la première lecture de l’avant-projet, admettait Béatrice Gisiger après le vote. Ensuite il faudra négocier avec la gauche. Nous verrons en janvier, lors de la deuxième lecture, si l’éligibilité peut être réintégrée dans le projet de base.»

On n’est donc pas forcément au bout de nos surprises. Hier, les groupes de droite se sont retrouvés entre eux sur un compromis. Demain, un autre compromis, incluant certains groupes de gauche, pourrait s’imposer. Peut-être…

Eric Budry dans la Tribune de Genève

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