lundi 23 mai 2011

Asile: le cap est maintenu

Les louanges sont à la hauteur des ambitions: le projet d’accélération drastique des procédures d’asile présenté par la cheffe du Département de justice et de police (DFJP) Simonetta Sommaruga a valu à la socialiste les éloges d’une grande partie de la classe politique, allant de la gauche rose-vert à l’UDC.


Que la droite xénophobe se réjouisse d’un tel plan de bataille devrait inviter la gauche à la prudence. Mais Christian Levrat s’est empressé de saluer «des solutions pragmatiques qui respectent les droits des personnes». Le président du PS fait référence à l’assistance juridique offerte en contrepartie des durcissements.

Pourtant, la lecture du projet et un rappel historique autorisent les plus vives inquiétudes et beaucoup de scepticisme. Car la volonté d’accélérer les procédures sent le rance tant elle a souvent servi de prétexte à des restrictions du droit sans aucun effet sur la rapidité et la qualité du traitement des dossiers.

Sur le principe, il est juste de laisser les requérants d’asile le moins longtemps possible dans une difficile situation d’attente. Mais seulement si l’on peut garantir le respect de leurs droits. Or tout indique que la protection juridique envisagée ne palliera pas les nouvelles restrictions –délais de recours très courts ou encore effets suspensifs supprimés. Pour éviter les recours et la multiplication des démarches, il ne suffit pas d’accuser les avocats des requérants d’abuser du droit, comme le fait insidieusement Berne. Il faut plutôt agir sur la qualité des décisions, lesquelles ne peuvent être rendues hâtivement ou sous l’influence du climat de suspicion face aux abus.

Le projet de révision n’évitera de toute façon pas deux écueils majeurs: à quoi bon des procédures rapides – pour ne pas dire bâclées – si les pays d’origine refusent de reprendre leurs ressortissants déboutés? Pour Berne, reprendre la main sur les cantons qu’il juge laxistes en termes de renvoi n’enlèvera pas cet obstacle majeur. Tout comme le fait d’enfermer toujours plus de récalcitrants au départ. Cela en poussera simplement davantage dans la clandestinité.

L’autre difficulté pour Mme Sommaruga sera de trouver des emplacements pour de nouveaux centres de procédures fédéraux. Car l’expérience montre que les populations locales sont hostiles aux structures regroupant des requérants. Ces jours à Gland, l’idée d’une pétition circule contre l’accueil de requérants dans un abri PC.

Mais qu’importent les «grains de sable»: depuis que Mme Sommaruga a pris la tête du DFJP, un consensus malsain s’est trouvé pour porter la conseillère fédérale aux nues. Année électorale oblige? A gauche, on se félicite qu’elle ait su imposer son agenda sur les thèmes de l’asile et de la migration, au nez et à la barbe de l’UDC. Et ce même si Mme Sommaruga a dit sa volonté de restreindre le regroupement familial, qu’elle a cherché à compliquer l’accès des non-Européens au passeport suisse ou que sa révision de la loi sur l’asile n’abandonne pas les pires mesures prévues par sa prédécesseur. Si l’étiquette partisane a changé, le cap est maintenu.

Edito de Rachad Armanios dans le Courrier

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