Les scores élyséens de Marine Le Pen doivent être combattus dans le jardin secret de l'extrême droite : le racisme physique, un non-dit qui inhibe tous les débats sur l'immigration.
Marine Le Pen arrive à une conférence de presse à Hénin-Beaumont, le 24 mars 2011 (Pascal Rossignol/Reuters).
Le procès d'Eric Zemmour et les sondages favorables à Marine Le Pen ont remis en selle notre plus vieil ennemi, cette chose qui paraît-il sommeille dans un cerveau que les neurologues qualifient de reptilien, appelons-le reptile cervical.
De quoi s'agit-il ? C'est un animal que tous les Français issus de l'immigration connaissent parfaitement car ils l'ont rencontré dans les cours d'école ou à l'entrée des boîtes de nuit. En marge des passes d'armes sur la compatibilité de l'islam avec la laïcité, le reptile tortille ses anneaux dans l'ombre et prospère dans les sources véritables de la haine raciste : la crainte physique, la violence, le sexe et l'humiliation.
Les Noirs ont une odeur spéciale, les Arabes sont violents
Quels sont les impensés de cette montée de l'extrême droite qui tétanise nos instituts de sondages ? Les informulés du racisme, ces choses que l'on cache comme indignes de figurer dans le débat, nous les connaissons tous : les Noirs ont une odeur spéciale, les Arabes sont violents par nature, globalement l'Africain est « physique », ses capacités intellectuelles se déploient idéalement sur un terrain de football.
Récemment, une chaîne de télé nous a gratifié de 120 mn d'« enquête exclusive » sur la communauté africaine en France. Vous savez… les Noirs. Les coiffeurs mafieux du Xe arrondissement, les miss black qui s'affrontent lors de joutes obscures et, pour finir, les prostituées du Ghana qui officient dans le XVIIIe arrondissement. Un grand moment de fierté pour la négritude.
Le reptile cervical est à la manœuvre dans notre subconscient, il se délecte de notre actualité identitaire. Emeutes des banlieues, élection d'Obama, révoltes aux Antilles, débat sur l'identité nationale… Comme un cousin éloigné du Belzébuth qui venait chatouiller les bigotes, il s'invite au détour d'un regard furtif, d'une émotion soudaine ou d'une frayeur incontrôlée.
Marine Le Pen et la caverne des brigands
A ce jeu, Marine Le Pen est forcément gagnante. Son refuge, c'est la caverne des brigands, la peur de l'autre matérialisée par le dégoût ou l'obnubilation, l'idée que les Noirs et les Arabes sont inassimilables parce que nos quatre sens les perçoivent comme différents.
Les penseurs de la droite extrême ont compris que le « racialisme » – c'est le terme consacré – a tout intérêt à rester un non-dit au service de la petite entreprise des vrais Francais. La dimension physique du racisme est un sujet tabou.
Nos bons militants de gauche, naguère conquis par Mandela, aujourd'hui séduits par Obama, refusent le combat. Ils ne voient rien, n'entendent rien, craignent de devoir sonder l'esprit de nos compatriotes lorsqu'une jeune fille catholique de bonne famille est assassinée par un psychopathe noir dans le RER après une tentative de viol.
La caverne des brigands est un lieu interdit à l'antiraciste militant. Vouloir s'y engouffrer revient à jouer les passagers d'un train fantôme où des spectres viennent vous tirer les cheveux. Tout fonctionne comme si l'universalisme de nos aïeux nous enfermait aujourd'hui dans un légalisme benêt qui nous fait agiter la condamnation d'Eric Zemmour comme un talisman ridicule.
Le racisme anti-Blanc, la réponse spontanée des victimes
Le pire, c'est l'émergence d'un racisme symétrique, le fameux racisme anti-Blanc qui lui aussi prospère sur les non-dits. Oui, le racisme anti-Blanc est un véritable racisme, authentique. Comme l'autre, il puise aux sources du machisme débridé, au fantasme de virilité exacerbé par la frustration.
Le racisme anti-Blanc n'est pas une invention de l'extrême droite, il est la réponse spontanée des victimes, exprimée sur le terrain de l'adversaire, avec tout son appareillage ignoble. Il surgit dans une cour d'école, ou un couloir de métro à l'encontre d'un petit Blanc, considéré comme faible ou efféminé. Le sexe et la violence, encore et toujours…
Frantz Fanon en son temps a pressenti tout l'intérêt de la psychanalyse pour appréhender la haine raciale. La société antillaise et son substrat esclavagiste marqués par une ritualisation du viol et de la soumission lui a servi de terrain expérimental. Notre belle France, patrie de Jacques Lacan, aurait dû poursuivre dans cette voie afin de nous débarrasser de nos pudibonderies ethniques.
Le métissage comme outil de reconquête
Comment lutter contre le reptile cervical ? C'est tout simple, il faut proposer à Marine Le Pen un gendre Dioula, un petit-fils aux traits wolofs, le mélange de son ADN celtique avec celui d'un descendant des montagnards kabyles.
Au-delà des sentiments personnels de la fille, c'est au legs ontologique du père que l'on s'adresse. Tout ou partie de la crédibilité de Jean-Marie fut édifiée sur sa capacité à évoquer constamment cette dimension physique du racisme, bannie de l'espace politique officiel. Sur ce terrain, il fut le roi, et la fille n'a pas renoncé à cet héritage.
Peine de mort, prison, reconduction aux frontières par des moyens militaires, mais surtout hantise de la mixité. Le cœur du sujet reste celui-là. Pour attaquer la droite extrême dans son bastion le plus cadenassé, il faut mettre les pieds dans le plat : de quoi a-t-elle peur, sinon de voir ses enfants en faire d'autres avec les Bougnoules ?
Le fond de l'affaire, c'est la phobie du mélange. C'est d'ailleurs une question qu'il faut savoir poser aussi aux communautaristes de l'autre bord. Notre performance mondiale en matière de mariages mixtes, évoquée du bout des lèvres par quelques intellectuels, doit devenir le cœur de la rhétorique anti-raciste. Il est le seul argument qui porte le fer dans la plaie.
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