Les requérants d’asile déboutés n’ont plus de paroisse les protégeant d’une expulsion à Lausanne.
Durant cent vingt jours, des paroisses tour à tour catholiques et protestantes ont offert un refuge symbolique à des requérants d’asile menacés d'expulsion. Mais ce symbole a disparu jeudi dernier. La poignée de migrants qui se trouvaient dans la salle sous l’église du Saint-Esprit, au chemin de Boisy à Lausanne, a quitté les lieux sans avoir une nouvelle paroisse prête à les accueillir. Leur refuge durait pourtant depuis le mois d’octobre et a reçu de nombreux soutiens, individuels ou politiques.
Le collectif lausannois Droit de rester pour tou-te-s, formé de militants prorequérants de la région et de requérants d’asile, a été la cheville ouvrière de ce mouvement. Droit de rester et les deux Eglises se renvoient la responsabilité de la fin de l’action de refuge, qui devait permettre de faire reconsidérer les dossiers de plusieurs personnes dont la procédure d’asile avait débouché sur un refus.
«Les Eglises nous ont dit qu’il fallait fermer le dernier refuge, parce qu’il n’y avait, selon elles, plus le moindre espoir d’empêcher l’expulsion de Teka et de Diallo, les deux dernières personnes qui s’y trouvaient, lance Graziella de Coulon, membre de longue date du collectif de soutien aux requérants d’asile. Puis elles sont revenues sur leur position, mais seulement pour Diallo, en nous disant qu’il fallait aller à Morges.» Teka est originaire de la République démocratique du Congo, qu’il a quittée il y a près de vingt ans pour émigrer en Europe. Et Diallo a rejoint la Suisse pour échapper à son passé d’enfant soldat en Sierra Leone (lire ci-contre) .
Plus d’espoir?
Graziella de Coulon affirme que catholiques et protestants en charge de ce dossier ont cédé trop rapidement aux arguments du pouvoir politique, surtout à ceux du conseiller d’Etat libéral Philippe Leuba, en charge de l’asile. «Nous sommes persuadés qu’il faut agir politiquement, au niveau cantonal et national, même si ces cas sont peut-être désespérés du point de vue du droit, continue Graziella de Coulon. Sinon, comment faire changer les choses?»
«Nous rencontrons régulièrement les autorités vaudoises, et le refuge fait partie des sujets discutés, rétorque Xavier Paillard, vice-président du synode, le parlement de l’Eglise protestante vaudoise. Mais il s’agit de notre propre décision, en partenariat avec l’Eglise catholique. Nous ne voulons pas que ces personnes courent le risque d’être instrumentalisées à des fins politiques. Si le résultat final est dans tous les cas que la personne concernée se fait expulser, le refuge ne sert pas à grand-chose, sauf à un but politique qui se poursuit peut-être au détriment de cette personne.» Il ajoute que cette condition a, selon lui, toujours été clairement exprimée aux candidats au refuge et au collectif Droit de rester.
L’idée même du refuge auprès des Eglises a repris le principe d’une action lancée dans le canton de Vaud en 2001 et en 2004-2005. A l’époque, cette mobilisation, dite des «523», contre des renvois forcés concernait surtout des personnes originaires de l’ex-Yougoslavie. Les militants anti-expulsion et les Eglises avaient alors obtenu plusieurs dizaines de régularisations. L’action lancée en 2010 et terminée il y a une semaine n’a pas connu le même succès. Seuls quelques dossiers ont été rouverts par les autorités fédérales.
Relations tendues
Depuis le début de cette action, les relations du collectif Droit de rester avec les Eglises protestante et catholique du canton de Vaud ont oscillé entre collaboration et hostilité. Droit de rester a en effet commencé publiquement le refuge en investissant une salle de paroisse sans l’accord des représentants des Eglises. Le collectif accusait alors ces derniers de faire traîner les choses durant les discussions visant à ouvrir un nouveau refuge, en posant trop d’exigences sur le choix des personnes concernées. Les deux Eglises ont rejeté ces critiques et ont rapidement ouvert leurs portes, par le biais de la paroisse protestante de la Sallaz.
«Les Eglises sont toujours prêtes à entrer en matière, s’il reste un espoir, aussi ténu soit-il, de rouvrir la procédure d’asile, note Xavier Paillard. C’était le cas pour Diallo.» Mais ce dernier n’aura pas besoin d’un refuge dans l’immédiat. «Il a craqué psychiquement, et il est en ce moment soigné psychiatriquement», détaille Graziella de Coulon.
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