La décision de Berne de suspendre ses renvois vers la Grèce révèle les difficultés du système.
Le système de Dublin est malade. Le cœur du problème se situe en Grèce, porte d’entrée pour les migrants d’Irak, d’Iran, d’Afghanistan ou de la Corne de l’Afrique. Quelque 12 500 réfugiés y affluent chaque mois, et Athènes n’arrive plus à suivre. Détentions inhumaines, procédures inéquitables et souvent inaccessibles, prise en charge déficiente… Plusieurs organisations ainsi que le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) tirent la sonnette d’alarme depuis de longs mois. Et le 21 janvier, la Cour européenne des droits de l’homme a condamné la Belgique pour avoir effectué des renvois vers la Grèce. Le règlement européen survivra-t-il à cette crise? En Suisse, différentes solutions sont évoquées.
Dans l’urgence, l’Office fédéral des migrations (ODM) a suspendu, dans une majorité de cas, ses renvois vers la Grèce. Les Pays-Bas, la Grande-Bretagne, la Norvège, l’Allemagne, la Finlande et le Danemark ont fait de même. La décision suisse, annoncée le 26 janvier, est saluée par les défenseurs de l’asile qui s’inquiètent d’exceptions possibles. Mais elle suscite aussi des grincements de dents: «On torpille le système de Dublin», s’exclame Christa Markwalder (PLR/BE). Car l’objectif du règlement est d’éviter que deux pays étudient une même requête. Dans ces conditions, l’accord a-t-il encore un sens? En réalité, le mal est plus profond. Susin Park, cheffe du bureau du HCR pour la Suisse et le Liechtenstein, relève un autre problème: d’un pays à l’autre, les requérants n’ont pas les mêmes chances d’obtenir l’asile. Pour les Somaliens, le taux d’acceptation peut passer de 1 à 4% dans certains Etats à 90% dans d’autres.
Comment soigner le malade sur le long terme? Une réflexion sur l’uniformisation du droit est en cours. Selon Carlo Sommaruga (PS/GE), elle doit être dynamisée. Susin Park ajoute qu’il faudrait davantage penser aux liens naturels des migrants (par exemple une famille ou des amis établis en Europe) pour déterminer l’Etat responsable d’un requérant. «Si on voulait être efficace, il faudrait résilier ces accords», tranche Yvan Perrin (UDC/NE). Avant d’ajouter que, la marge de manœuvre étant faible, on peut aussi imaginer une redistribution des étrangers entre pays européens selon une clef de répartition liée au nombre d’habitants, «à l’instar de ce qui se fait entre cantons suisses». Doris Fiala (PLR/ZH) évoque aussi la possibilité de fournir des soutiens logistiques à Athènes. Et des aides financières sur des projets concrets, comme la construction d’un camp supplémentaire.
L’Office fédéral des migrations a annoncé sa volonté d’aider Athènes. «Nous réfléchissons à un partage de connaissances, précise sa sous-directrice, Eveline Gugger Bruckdorfer. Nous pourrions par exemple envoyer des experts pour soutenir l’établissement d’une procédure d’asile efficace.» Reste à savoir si cela suffira. Car à entendre Doris Fiala, il y a urgence: «Le risque est que certains Etats finissent par ouvrir leurs frontières et laissent les autres se débrouiller.»
Caroline Zuercher dans 24 Heures
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