Pour le Conseil d’Etat, c’est aux communes de gérer le problème. Les députés exigent une loi cantonale.
Dès qu’on parle de mendicité, la classe politique s’enflamme. Cet axiome s’est vérifié hier au Grand Conseil. La socialiste Mireille Aubert a demandé par un postulat que le canton complète sa loi pénale en interdisant la mendicité en compagnie de mineurs. «Nous sommes contre l’interdiction de la mendicité, a précisé la députée rose, mais nous ne voulons pas de l’exploitation de mineurs.»
Contre toute attente, la députée a fini par emporter une majorité de 67 voix contre 55. Le chef du Département de l’intérieur, Philippe Leuba, et une partie de la droite ont en effet soutenu que cette demande était parfaitement inutile.
Selon leurs arguments, une telle disposition violerait l’autonomie communale. Plusieurs ont cité en exemple la Riviera qui a interdit la mendicité. Et dénoncé en passant l’attitude jugée laxiste de Lausanne sur ce dossier: «La Riviera a interdit la mendicité et c’est son droit. Lausanne l’autorise et c’est son droit aussi», a asséné l’UDC François Brélaz. «Envoyer un mineur mendier est déjà un délit pénal. C’est un délit urbain et c’est donc aux Municipalités d’agir», a complété son confrère de parti Félix Glutz.
Lois suffisantes?
«Les lois actuelles suffisent, a renchéri Philippe Leuba. C’est à la police de la commune de dénoncer des cas au Service de la protection de la jeunesse, qui agira pour le bien de l’enfant, et à la justice qui peut infliger jusqu’à 90 jours-amendes à celui qui pousse des mineurs à mendier. Or Lausanne n’a jamais dénoncé aucun cas.»
«Pas du tout vrai», a rétorqué le député et conseiller communal lausannois Vert Yves Ferrari. Ce dernier a longuement cité une lettre de ce service à la commune de Lausanne expliquant que pour les Roms mendiant avec de tout petits enfants, il ne lui était pas possible d’intervenir parce que les exigences légales ne sont pas remplies dans de tels cas.
Plusieurs députés ont relevé que l’on ne voit pratiquement plus d’enfants avec des mendiants depuis l’intervention de la police lausannoise en novembre 2009. Mireille Aubert a toutefois signalé avoir vu récemment deux adolescentes tendre la main sur une place de Lausanne.
«Etre sans pitié»
«L’UDC et les libéraux-radicaux veulent interdire la mendicité à Lausanne et refusent d’interdire la mendicité avec mineurs; je suis particulièrement surpris», a réagi le socialiste Grégoire Junod qui appelle à interdire la seule mendicité des enfants: «Là nous devons être sans pitié.»
La Verte Anne Décosterd a ajouté que le respect de la Convention des droits de l’enfant doit primer sur l’autonomie communale: «En outre, sans loi cantonale, on va juste favoriser le tourisme de la mendicité avec mineurs dans les différentes villes du canton.»
En 2008, les socialistes s’étaient battus comme des beaux diables, et avec succès, contre une loi cantonale sur la mendicité. Les temps changent .
Justin Favrod dans 24 Heures
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