samedi 22 janvier 2011

En 2007, les ministres suédois voulaient stopper les réfugiés irakiens

Des télégrammes diplomatiques américains transmis par WikiLeaks au quotidien suédois Svenska Dagbladet font état, vendredi 21 janvier, des efforts de plusieurs ministres suédois pour limiter l'arrivée de réfugiés irakiens en Suède. Ces documents, qui font beaucoup de bruit en Suède, sont publiés alors même que le royaume scandinave se livre en ce moment à des séries d'expulsions de demandeurs d'asile irakiens déboutés qui ont provoqué des manifestations dans plusieurs villes de Suède et des dizaines d'arrestations.

suède max bildt

Carl Bildt, ministre conservateur des affaires étrangères, auraient, selon WikiLeaks, demandé à l'Irak de reprendre les demandeurs d'asile refoulés, faute de quoi la Suède ne rouvrirait pas l'ambassade à Badgad. AP/Andy Wong

Mercredi, vingt Irakiens ont été déportés vers le centre de l'Irak, après que leur recours auprès de la cour européenne des droits de l'homme a été rejeté. Le gouvernement suédois a déclaré que la situation générale s'était améliorée en Irak et que les chrétiens d'Irak ne craignaient plus de risque de persécution. Une décision très durement critiquée par le Haut Commissariat de l'ONU aux réfugiés, qui a répliqué que la fuite actuelle de milliers de chrétiens était une indication du contraire.

Vingt-cinq manifestants ont été arrêtés mercredi matin devant le bureau de l'Agence des migrations à Märsta près de Stockholm. La veille, près de Göteborg, dans l'ouest, la police avait arrêté 70 manifestants qui se trouvaient près d'un camp de transit afin d'empêcher l'expulsion d'un groupe d'Irakiens. La Suède a répondu aux critiques en disant que chaque cas était étudié individuellement.

"Pauvres et peu éduqués"

Les autorités sont nettement plus silencieuses s'agissant des informations ressortant des télégrammes diplomatiques. Au cours d'une visite en Irak en 2007, Carl Bildt, ministre conservateur des affaires étrangères, et Tobias Billström, son homologue chargé de l'immigration, au cours d'entretiens avec des officiels américains, avaient exprimé leur souci vis-à-vis de l'ampleur de l'immigration irakienne en Suède. Selon les ministres, cette immigration était tellement importante que l'opinion suédoise réclamait maintenant une politique d'immigration plus dure.

Au cours de cette rencontre, Carl Bildt avait insisté, selon les médias suédois, pour que l'Irak accepte les demandeurs d'asile refoulés. Dans le cas contraire, aurait dit Carl Bildt, la Suède ne rouvrirait pas d'ambassade à Bagdad. Selon les ministres, l'opinion suédoise bougeait à cause de plusieurs cas de crimes d'honneur. Les ministres constataient aussi que beaucoup des Irakiens arrivés en Suède étaient souvent pauvres et peu éduqués, et donc encore plus difficiles à assimiler en Suède.

Aucune de ces déclarations n'a été ni confirmée ni commentée par les ministres concernés mais les réactions sont nombreuses en Suède. Le Conseil constitutionnel devrait être saisi. "Je ne veux pas croire qu'ils ont dit quelque chose d'aussi abominable", a réagi Cecilia Wikström, députée européenne libérale, du même camp politique que les ministres. "Les conservateurs se sont adaptés aux forces xénophobes", a critiqué Bodil Ceballo, des Verts.

L'accord entre l'Irak et la Suède avait été signé en 2008, l'ambassade de Suède à Bagdad a rouvert ses portes il y a tout juste un an. Entre 2007 et 2010, quelque 30 000 Irakiens ont demandé l'asile en Suède. Environ les deux-tiers d'entre eux ont obtenu le droit de rester.

Olivier Truc, correspondant à Stockholm, Le Monde

Aucun commentaire: