mardi 21 décembre 2010

Les sans-papiers ne sont pas égaux devant la loi

Suivant qu'ils vivent à Genève ou à Zurich, les clandestins n'ont pas les mêmes espoirs de régularisation. Des voix appellent la Confédération à la rescousse.

1201 demandes de régularisation déposées par Genève en dix ans, 737 par le canton de Vaud, 88 par Fribourg, 22 par Neuchâtel, 10 par Zurich, 0 par le Valais. Les étrangers vivant sans papiers en Suisse ne sont pas égaux devant la loi, comme le démontre l'étude présentée hier à Berne par la Commission fédérale pour les questions de migration (CFM).

Cette enquête révèle un large fossé entre Suisse romande et Suisse alémanique, particulièrement flagrant pour ce qui concerne les étrangers en situation irrégulière entrés hors filière de l'asile. Pour les demandes de régularisation de requérants d'asile déboutés ou frappés d'une décision de non-entrée en matière, les écarts entre cantons sont moins nets. Sur les 2431 dossiers transmis à l'Office fédéral des migrations entre janvier 2007 et décembre 2009, Vaud en a envoyé 806, Genève 418, Neuchâtel 155, le Valais 96 et Fribourg 88.

Le système mal fichu

La Commission fédérale pour les questions de migration voit dans ces grands écarts statistiques une inégalité de traitement. Les cantons possèdent en outre un large pouvoir: non seulement ce sont eux qui statuent sur les demandes de régularisation des sans-papiers, mais en plus, leurs décisions sont difficilement attaquables, selon la CFM. Président des Verts suisses, Ueli Leuenberger partage ce jugement: «Les clandestins qui savent que leur canton de résidence dépose peu de dossiers à Berne hésitent avant d'entreprendre une démarche de régularisation, voire s'autocensurent.»

A droite aussi, l'incohérence de la pratique actuelle des cantons interpelle. «Cela me dérange de savoir qu'une personne sera traitée différemment suivant le canton où elle habite. On assiste à une sorte de loterie», dénonce Yvan Perrin (udc/NE), président de la Commission des institutions politiques du Conseil national, qui est spécialisée dans les questions de migration. «Il est important que la régularisation ne devienne pas un droit pour les étrangers clandestins, et qu'elle demeure le fait du prince. A condition que le prince, en l'occurrence le canton, ne sombre pas dans l'arbitraire et que sa politique ne soit pas aléatoire», enchaîne Isabelle Moret (plr/VD).

La pratique actuelle est injuste, le constat est largement partagé sous la Coupole. Que faire pour corriger le tir? La CFM avance sa solution: elle propose que les demandes de régularisation soient directement déposées auprès de la Confédération. L'idée séduit, tous partis confondus. «C'est un pas dans la bonne direction», salue Ueli Leuenberger. «Cela permettrait de contourner la mauvaise volonté de certains cantons, qui font comme s'ils n'abritaient pas de sans-papiers», renchérit Isa- belle Moret.

Mais Berne refuse le cadeau empoisonné. «L'application du droit des étrangers est de la compétence des cantons» réplique ainsi Marie Avet, porte-parole de l'Office fédéral des migrations. L'argument ne décourage pas Yvan Perrin: «Mis à part les Dix Commandements, aucune loi n'est gravée dans le marbre».

Serge Gumy dans le Nouvelliste

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