mardi 21 décembre 2010

Caritas affligé par le retrait de son mandat d'aide aux réfugiés

Le transfert annoncé de cette tâche à l'Hospice général alarme l'oeuvre d'entraide, qui craint une «énorme perte» pour ses bénéficiaires.

Caritas Genève digère très mal la décision du canton de lui retirer son mandat d'aide sociale aux réfugiés statutaires – permis B et F (notre édition du 16 décembre). Dès juillet 2011, cette mission sera transférée à l'Hospice général, qui prend déjà en charge les requérants d'asile. Après avoir appris la nouvelle la semaine passée, l'oeuvre d'entraide fait aujourd'hui part d'une grande inquiétude. «Nous sommes avant tout préoccupés par le sort des réfugiés, dont beaucoup nous appellent pour signaler leurs craintes et leur déception», note son directeur, Dominique Froidevaux. Treize postes sont aussi menacés par la perte du mandat. A l'interne, la mobilisation s'organise. «Nous privilégions le dialogue et attendons une rencontre avec François Longchamp le plus tôt possible, poursuit-il. Mais tous les scénarios sont envisagés.»
De son côté, l'Etat défend sa position. Pour la Direction générale de l'action sociale (DGAS), la mesure vise à assurer la cohérence du système, entre la prise en charge des requérants et celle des réfugiés statutaires, sans changement d'institution.

«Sortir de l'assistance»
Au contraire, le directeur de Caritas estime qu'une «rupture» est essentielle: «Pour envisager leur futur en Suisse, ces personnes doivent sortir d'une logique d'assistance pour entrer dans une logique d'intégration, domaine dans lequel nous avons une solide expertise.» Dans le cadre d'une prise en charge globale et exigeante – apprentissage de la langue, formation professionnelle... –, un soin particulier est apporté à l'écoute, insiste-t-il: «Nous consacrons du temps à établir un lien de confiance, alors que l'Hospice, qui ne peut le faire, a plus d'expérience dans la distribution d'aide financière et la gestion des flux.»
Vito Angelillo, à la DGAS, n'est pas de cet avis et souligne un «changement de paradigme»: «L'Hospice veut aujourd'hui donner les moyens à ses bénéficiaires de sortir de l'assistance. Nous souhaitons investir dans l'intégration – la réinsertion professionnelle – au plus vite, dès l'arrivée d'un requérant d'asile. S'il passe à un statut de réfugié, la continuité de cette action doit absolument être garantie.» Et de rappeler que l'enveloppe du mandat restera identique: «Il n'y a aucune raison que l'Hospice consacre moins de temps à ces personnes. Mais il faut aussi stimuler les gens dans leur trajectoire, donner un déclic pour faciliter le passage en emploi.»

Reports de charges?
Pour l'instant, «cette approche reste un discours, rétorque Dominique Froidevaux. Pour un requérant qui ne sait pas s'il restera en Suisse, l'intégration est très difficile à envisager. Et les mesures intégratives qui lui sont proposées sont plus proches de l'occupation que de la formation.» Une fois le statut de réfugié délivré, la donne change, estime-t-il. «Sortir de l'Hospice offre une chance supplémentaire de rompre durablement avec l'assistance.»
Après l'obtention d'un permis C, certains souhaitent d'ailleurs poursuivre la démarche d'intégration entreprise chez Caritas et continuent à y venir, poursuit le directeur, alors même qu'ils sont à nouveau suivis par l'Hospice. Avec la perte du mandat d'aide sociale, les réfugiés risquent d'en faire de même: «Nous craignons des reports de charges, mais sans les moyens qui vont avec.»
Vito Angelillo pense, lui, que les deux démarches sont complémentaires: «Heureusement que les oeuvres d'entraide apportent un soutien que l'Etat ne peut pas accorder dans son cadre légal et bureaucratique. Elles sont d'ailleurs subventionnées pour cela. Mais il faut clarifier nos rôles respectifs.»
Concernant les impacts de cette décision sur le personnel de l'institution, le fonctionnaire assure que la DGAS tient à «accompagner au mieux le processus de transition» et envisage de réintégrer à l'Hospice les employés concernés. Mais l'absence de concertation autour de cette réforme suscite plutôt des réticences, répond Dominique Froidevaux. «Dans un climat de dialogue, cette perspective aurait peut-être été abordée différemment.»

Mario Togni dans le Courrier

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