Dans un entretien au Figaro, le ministre de l'Intérieur Brice Hortefeux annonce notamment que la procédure de délivrance des visas sera durcie.
LE FIGARO. - Dans quel état d'esprit retrouvez-vous le ministère de l'Immigration ?
Brice HORTEFEUX. - J'avance avec trois principes simples et justes. La France, comme tous les pays, a le droit de choisir qui elle veut et qui elle peut accueillir sur son territoire. De plus, un étranger en situation irrégulière a vocation à être reconduit dans son pays d'origine, sauf situation politique, humanitaire, religieuse ou sanitaire particulière. Enfin, un étranger en situation légale, et respectant nos règles, doit bénéficier, pour l'essentiel, des mêmes droits économiques et sociaux que les Français. C'est en luttant contre l'immigration illégale que nous réussirons l'intégration des étrangers qui respectent nos règles communes. Ma mission est claire : poursuivre, conforter et amplifier la nouvelle politique d'immigration voulue par le président de la République.
Les constatations d'infractions à la législation sur les étrangers ont baissé de 10 % en un an, les reconduites à la frontière diminuent… Ces résultats vous inquiètent-ils ?
L'immigration illégale doit baisser et elle baissera. Depuis 2007, près de 106 000 immigrés clandestins ont été éloignés. Ils sont 25 500 depuis le début de l'année. Nous combattons avec vigueur les passeurs, les mafieux, tous ces esclavagistes modernes qui exploitent la misère humaine : depuis janvier, 156 filières ont été démantelées, contre 126 l'an dernier. C'est donc un progrès record. Enfin, nous surveillons mieux nos frontières, puisque ceux qui tentent d'entrer sans visa ont été près de 100 000 à être refoulés depuis trois ans.
Mais les demandes d'asile augmentent…
J'observe que le système d'asile subit une forte pression à l'échelon européen. Depuis 2008, les demandes d'asile ont augmenté de 18 % en Allemagne, 24 % en Autriche et même 40 % en Belgique. La France n'échappe pas à ce mouvement, puisque nous sommes passés de 35 520 demandeurs en 2007 à 47 686 en 2009, avec une nouvelle hausse de 8 % sur les dix premiers mois de l'année. Notre pays est la troisième destination au monde pour les demandes d'asile, après les États-Unis et le Canada. Et la première en Europe.
Mais doit-on s'en satisfaire ?
Non, car du fait de l'augmentation du nombre de demandes, les délais d'instruction s'allongent jusqu'à dix-neuf mois. Ce n'est pas acceptable. Nous devons mieux distinguer les vrais réfugiés politiques, en danger dans leur pays, des fraudeurs clandestins, qui n'ont rien de combattants de la liberté. Notre politique de l'asile ne doit pas être dévoyée, j'y serai attentif.
Quels sont vos objectifs en matière de contrôle de l'immigration ?
Pour faire baisser la pression de l'immigration clandestine, il faut appliquer concrètement le pacte européen que j'ai fait adopter à l'unanimité en 2008. L'Europe n'est pas une passoire. Elle doit se doter de nouveaux gardes-frontières pour mieux contrôler les frontières extérieures. Parallèlement, je souhaite poursuivre le dialogue avec les pays sources. C'est le meilleur moyen de maîtriser l'immigration, notamment avec le Maghreb et l'Afrique subsaharienne. Une quinzaine d'accords ont, d'ores et déjà, été signés.
Quel est votre calendrier ?
Je prends trois initiatives. Dès lundi prochain, je réunirai tous les préfets pour les mobiliser à nouveau sur la lutte contre l'immigration clandestine. J'ai déjà donné des instructions aux quinze préfets qui n'ont pas atteint leurs objectifs. Dans les prochaines semaines, je les réunirai avec les consuls pour leur fixer mes priorités dans l'attribution de visas et leur demander d'être plus vigilants dans la délivrance des visas de court séjour qui ne doivent pas être des «passeports pour la clandestinité». Enfin, lors du premier semestre 2011, je souhaite réunir les ministres en charge de l'immigration des cinq pays qui concentrent 80 % des flux migratoires vers l'Europe (Allemagne, Royaume-Uni, Espagne et Italie, en plus de la France) mais aussi ceux de Malte, de la Grèce et de Chypre, qui constituent les principaux points d'accès de l'immigration en Europe. Parallèlement à ces initiatives, je veux que nous disposions de nouveaux instruments juridiques. Un projet de loi, préparé sous l'autorité de François Fillon, a été adopté en première lecture à l'Assemblée nationale. Il prévoit d'étendre la durée de rétention administrative de 30 à 45 jours. Les sénateurs en débattront en janvier. Cette idée fait l'unanimité en Europe.
Votre politique à l'égard des campements illicites va-t-elle se poursuivre ?
Il n'est pas question de stigmatiser telle ou telle communauté. Mais j'entends naturellement continuer à démanteler les campements illicites. Réprimer n'est pas un gros mot. Depuis août dernier, 490 implantations illégales ont été évacuées, sur les 600 recensées.
Peut-on chiffrer le coût des opérations de reconduite aux frontières ?
Lorsque j'étais déjà ministre de l'Immigration, entre 2007 et fin 2008, des estimations fantaisistes et grossières avaient circulé, faisant état d'un coût de 2 milliards d'euros. Selon le rapport de l'inspection générale de l'administration établi à la fin 2009, le coût global est de 232 millions d'euros. Ce montant intègre la totalité des charges, l'hébergement, les frais de transport et les frais de personnels mobilisés. Mais ce chiffre ne prend pas en compte les économies importantes réalisées grâce à un meilleur contrôle de l'immigration. Croyez-moi, cela coûterait beaucoup plus cher d'ouvrir nos frontières à tout vent !
Pourquoi l'identité nationale a-t-elle disparu de l'intitulé de vos fonctions ministérielles ?
Le débat courageusement mené par mon prédécesseur, Éric Besson, n'a pas été compris. Mais au-delà des mots, sous l'autorité du président de la République, ma mission est de permettre la cohésion de notre société et le respect de nos valeurs républicaines.
Propos recueillis par Christophe Cornevin, grand reporter, dans le Figaro
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