Le Conseil central islamique veut abolir l’interdiction des minarets. Mais il va se retrouver seul.
Cela faisait plusieurs mois qu’on n’en avait plus entendu parler. Hier, le controversé Conseil central islamique suisse (CCIS) est sorti du bois pour présenter à Zurich son dernier cheval de bataille: abolir l’interdiction des minarets. Un an jour pour jour après la votation qui a recueilli 57,5% des voix, l’organisation veut faire revoter le peuple. Elle lancera une initiative populaire en janvier.
Le texte prévoit de rayer l’alinéa 3 de l’article 72 de la Constitution fédérale, qui stipule que la construction de minarets est interdite. «Il est discriminatoire et donne une image négative de la Suisse, explique Abdel Azziz Quaasim Illi, membre du conseil. Nous voulons l’abolir sans attendre qu’une institution étrangère, comme la Cour européenne de Strasbourg, casse la décision populaire. Il faut donner aux Suisses la possibilité de corriger leur vote réalisé sous le coup de l’émotion.»
Il se donne jusqu’à fin décembre pour créer un comité composé de plusieurs acteurs politiques, religieux ou culturels. «Le texte devra être déposé à la Chancellerie pour les vérifications d’usage en janvier 2011», précise le porte-parole.
Le CCIS promet de se retirer ensuite du devant de la scène pour faire place au débat. «Je suis conscient de notre image, analyse Nicolas Blancho. Or, cette initiative doit être portée par le plus grand nombre.» Mais le président de l’organisation qui compte 1700 membres – sur 400 000 musulmans en Suisse – n’a pas pour autant collaboré avec d’autres organisations musulmanes. «Nous ne voulions pas qu’il y ait des fuites dans la presse, c’est pourquoi nous avons préparé l’initiative en secret. Mais des contacts ont été pris avec des partis qui ont condamné l’interdiction l’an passé.» Lesquels? Mystère. Il refuse de donner des noms.
«C’est de la provocation!»
Et pour cause. Après vérification, personne n’est au courant du projet! Ni les musulmans, ni les juifs, ni les chrétiens et encore moins les principaux partis politiques. Mieux: tous se montrent sceptiques face à une démarche «inopportune». «On dirait qu’ils lancent une initiative sans réflexion préalable, déplore Hisham Maizar, président de la plus grande fédération d’organisations islamiques de Suisse. Un an après la votation sur les minarets et au lendemain d’un autre scrutin sur les étrangers, le moment est mal choisi. L’idée est peut-être légitime, mais elle ressemble à du populisme.» Un avis partagé par Ueli Leuenberger, président des Verts, qui estime, en plus, que la proposition vient de «gens excentriques qui n’hésitent pas à soutenir la lapidation». Christophe Darbellay, président du PDC, préfère «respecter la décision prise par la population il y a un an». «Attendons de voir si les recours aboutissent à Strasbourg», abonde Kurt Fluri, conseiller national (PLR/SO).
«Les membres du CCIS ne sont pas crédibles, poursuit Christian Levrat, président du Parti socialiste. Cela ressemble à un coup marketing.» Spécialiste des questions musulmanes, le sociologue Stéphane Lathion résume: «C’est de la provocation. D’un côté, il y a le Conseil central islamique, de l’autre l’UDC!»
Dans ce parti justement, on se frotte déjà les mains de recevoir un si joli cadeau pour Noël et à quelques mois des élections fédérales. «C’est bien que ces gens-là prennent la voie démocratique, conclut le Valaisan Oskar Freysinger. On va pouvoir débattre!»
Nadine Haltiner, Zürich, pour 24 Heures
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