La Suisse est-elle trop «coulante» envers les criminels étrangers? Balivernes, estiment les cantons, qui rejettent tout laxisme en matière de renvois. Pourtant, de grands écarts existent d’un canton à l’autre. «Aujourd’hui, un délit valant l’expulsion à Saint-Gall ne produit pas les mêmes effets à Neuchâtel. C’est choquant», estime le conseiller national UDC Yvan Perrin. L’UDC et le Conseil fédéral veulent tous deux harmoniser la pratique, mais chacun à sa manière. Verdict le 28novembre.
La Suisse estelle trop «coulante » envers les criminels étrangers? L’UDC en est convaincue et réclame, dans son initiative dite des moutons noirs, le renvoi automatique des étrangers auteurs de certains délits. Opposés à cette systématique, le Conseil fédéral et le parlement ont opposé un contre-projet au texte UDC. Les deux versions sont soumises au vote le 28 novembre. Depuis 2007, ce sont les autorités cantonales qui sont seules habilitées à prononcer le retrait d’une autorisation de séjour. A elles de faire la pesée d’intérêts entre la sécurité publique – le criminel présente-t-il un danger pour la société suisse? Quel est le risque qu’il récidive? – et l’intérêt de la personne condamnée – est-elle intégrée en Suisse? Y a-t-elle une famille? «Mais dès que vous confiez cette décision à l’administration, vous ouvrez la voie à des considérations politiques, dénonce le conseiller national Yvan Perrin (udc/NE). Aujourd’hui, un délit valant l’expulsion à Saint-Gall ne produit pas les mêmes effets à Neuchâtel. C’est choquant.»
Les barrières du droit
Certains cantons sont-ils donc trop laxistes? «C’est un jugement à l’emporte-pièce, réplique Patrick Pochon, chef du Service fribourgeois de la population et des migrants. Je comprends que certains citoyens trouvent anormal que des criminels étrangers puissent rester en Suisse. Mais c’est méconnaître les exigences du droit.» Pas facile par exemple d’expulser un ressortissant d’un Etat membre de l’Union européenne, explique Serge Gamma, chef du Service neuchâtelois des migrations. L’accord sur la libre circulation des personnes n’autorise en effet le renvoi que si la personne présente un danger grave pour la sécurité de la Suisse. Aux obstacles juridiques s’ajoutent des difficultés pratiques, renchérit son homologue valaisan Jacques de Lavallaz: «Parfois, le renvoi ne peut être exécuté parce que la personne n’a pas de passeport valable ou parce que son pays d’origine refuse de la reprendre. Parfois, le Tribunal fédéral met le holà parce qu’il juge le criminel intégré en Suisse ou que son état de santé ne permet pas son renvoi.»
Fribourg moins sévère
«En pratique, écrit le Conseil fédéral pour défendre son contre-projet, les cas d’infractions pénales graves donnent lieu à la révocation des autorisations et au renvoi des personnes concernées. Les cantons n’y sont cependant pas tenus. La marge d’appréciation importante dont ils disposent conduit à des pratiques disparates.» Ainsi, Saint-Gall (72 renvois depuis le début de l’année), Zurich et Vaud (respectivement 113 et 103 criminels expulsés en 2009) peuvent se targuer de sévérité. De leur côté, Neuchâtel (6 renvois en 2009), le Valais (entre 10 et 15 en moyenne par année, selon Jacques de Lavallaz) et Fribourg (cinq renvois par an, estime Patrick Pochon) ont la dent moins dure. Toutefois, selon la Commission fédérale pour les questions de migration, qui a enquêté sur le sujet, «il existe des indices que la pratique des cantons s’harmonise pour des raisons de jurisprudence nationale et internationale et surtout aussi à cause des débats politiques des dernières années.» Le Neuchâtelois Serge Gamma réfute ce dernier argument: «Nous ne ressentons aucune pression politique, et n’avons donc pas changé de pratique. » Une pratique qui, selon les responsables cantonaux des migrations, ne devrait pas non plus sensiblement changer à l’avenir, quel que soit le résultat des votations. «Sans doute serons- nous amenés à prononcer davantage de renvois, mais cela ne signifie pas forcément que plus de renvois seront exécutés, prédit Serge Gamma. Tant que nous n’aurons pas d’accord de réadmission avec tel ou tel Etat, nous n’y renverrons personne.»
Serge Gumy dans la Liberté
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