Ghaleb Bencheikh, animateur de l’émission Islam sur France 2 et président de la Conférence mondiale des religions pour la paix était à Lausanne ce week-end. Rencontre.
L’intellectuel Ghaleb Bencheikh pense l’islam en lien avec la modernité. Ce docteur en sciences, fils d’un ancien recteur de la Grande Mosquée de Paris, a donné une conférence à l’Université de Lausanne (UNIL) vendredi soir. L’occasion de l’interroger sur les dossiers religieux qui agitent la Suisse.
– Quel est votre avis sur le débat que soulève le voile?
– Le voile ne relève que d’une recommandation contingente, faite à un moment donné de l’histoire, pour des femmes particulières, pour qu’elles soient reconnues et pour qu’elles ne soient pas offensées. Cette question n’a vraiment pas besoin de tout le tintouin que nous connaissons maintenant, car elle ne relève pas de l’essentiel.
– Que pensez-vous de la votation sur l’interdiction des minarets en Suisse?
– C’était on ne peut plus idiot des deux côtés. Du côté islamique, parce que les mosquées n’ont pas besoin de minarets. Ce n’est ni une exigence architecturale ni une exigence théologique. La meilleure preuve est la mosquée du Dôme du Rocher à Jérusalem: elle n’a pas de minaret, et cela ne l’a pas empêchée d’être l’une des plus chères au cœur des musulmans. De l’autre côté, c’était tout aussi stupide de considérer que les minarets sont des fusées et qu’ils ne s’harmonisent pas avec l’architecture. Les nations évoluent, le vivre ensemble doit être empreint de respect et de reconnaissance, notamment dans une société ouverte, multiconfessionnelle. Cette votation n’a pas honoré la Suisse.
– Et dans le monde musulman, comment se traduit cette évolution? Comment la tentative d’interpréter le Coran en lien avec la modernité est-elle perçue?
– Mal au niveau des couches populaires. On ne comprend pas. De plus, il y a des atavismes, des réflexes, des peurs: on confond fidélité à la foi et fixisme, attachement à la spiritualité et rigidité. Mal également au niveau du pouvoir politique, quand il est le bras séculier pour imposer la loi dite d’inspiration religieuse. Toutefois, à côté de cela, il y a des intellectuels, des théologiens, des chercheurs qui font bouger les choses. Peut-être pas en nombre suffisant, peut-être pas avec assez de puissance pour servir de levier afin de changer les paradigmes de pensée, mais en tout cas ils existent et cela ouvre des perspectives.
– Le dialogue interreligieux est aujourd’hui très à la mode, qu’en pensez-vous?
– C’est paradoxal. Il y a d’une part une prolifération de colloques, d’associations, de rencontres sur le dialogue interreligieux, et de l’autre il y a une montée de la crainte, de l’hostilité… Toutefois, je pense que le dialogue interreligieux relève d’un besoin vital. Il est nécessaire pour faire reculer les craintes, pour plus de reconnaissance, pour laisser place à l’amitié, à la solidarité, pour construire ensemble une société juste, fraternelle et solidaire.
Sylvain Stauffer, Protestinfo, dans 24 Heures
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire