La confirmation du permis de construire a réveillé la droite extrême. Les musulmans dénoncent une propagande.
Même vide, en matinée, la salle de prière de la communauté musulmane de Langenthal, sise dans une zone industrielle peu séduisante, est ouverte au tout-venant. Sur la vitrine, l’association adresse, avec une affiche géante, ses félicitations au nouveau conseiller fédéral Johann Schneider-Ammann, grand employeur de la bourgade de 15 000 habitants.
«Les musulmans de Langenthal préfèrent pour l’heure rester discrets et éviter les commentaires autour du minaret», avait averti le soir précédent au téléphone Mutalip Karaademi, président de la communauté. Or, vendredi en début d’après-midi, plusieurs des quelque 30 hommes venus pour la prière consentent à partager leur opinion. Qu’ils soient ou non de fervents défenseurs du minaret. «Pour moi, c’est un signe de présence. Il n’est en rien une marque d’intolérance», explique Ibraimi Ibraim, Albanais, en Suisse depuis vingt ans. «Nous aimerions un lieu de prière décent.»
Les discussions autour du minaret ont refait surface avec véhémence depuis une vingtaine de jours dans la localité bernoise. Depuis que le Département cantonal des travaux publics a approuvé le permis de construire pour un minaret et une coupole sur le centre. Le permis avait été confirmé par les autorités communales en juin 2009, suite à un premier recours. Huit personnes avaient alors à nouveau recouru. Avant la votation fédérale.
«Victimes de propagande»
La décision du canton a ravivé les foudres de tous bords. Et même si plusieurs voisins interrogés sont d’accord sur le fond, la forme que prend le désaccord déplaît. «J’espère que la police assurera la sécurité, car il ne faudrait pas que cela dérape», insiste un garagiste. Explication: ce samedi est prévue devant le centre une manifestation «de colère» mobilisée via Internet par des représentants du parti d’extrême droite PNOS et du Parti bernois des automobilistes. Elle a reçu le feu vert des autorités locales, qui n’étaient pas joignables hier. «Nous voulons que la volonté du peuple suisse qui a dit non aux minarets soit respectée», assène Dominic Lüthard, membre du PNOS. Des mouvements autonomistes ont déjà appelé à une contre-manifestation.
«Nous sommes victimes d’une propagande», estime Mutalip Karaademi, sur un ton fatigué. Mais pourquoi persister avec le minaret si le peuple n’en veut pas? «Pourquoi devrions-nous renoncer alors que nous avons reçu le feu vert avant la votation et que nous ne faisons rien de mal? Pourquoi devons-nous toujours revendiquer nos droits?» Les tensions autour du projet d’un minaret de six mètres de hauteur remontent à 2006, lorsque la communauté musulmane dépose une première demande accompagnée d’un vœu d’agrandissement pour son lieu de culte.
A Langenthal, le centre est surtout destiné aux Albanais de Macédoine installés depuis plusieurs décennies dans la région. N’empêche, les réticences sont fortes. «Nous ne combattons pas les personnes mais le symbole d’une idéologie radicale», explique Daniel Zingg, membre de l’Union démocratique fédérale et président du comité officiel «Stopp Minarett», engagé dans ces recours. Il est persuadé que l’association musulmane locale est elle-même dépassée par des pressions externes. «Et cette décision de Berne est un irrespect du vœu démocratique. C’est ça qui maintenant dérange ici.»
Daniel Zingg assure pourtant qu’il ne s’affichera pas samedi aux côtés des manifestants. «Ces gens ne se sont jusqu’ici jamais engagés pour cette problématique. C’est de l’opportunisme.» Par contre, le comité fera recours auprès du Tribunal administratif si les musulmans ne renoncent pas à leur projet.
Respecter les règles
Vendredi, peu avant la prière, les fidèles se retrouvent dans le café au sous-sol du petit immeuble qui abrite la salle de prière. Si le département bernois a donné son feu vert au minaret, il a par contre estimé que les projets d’agrandissement des locaux ne répondaient pas à toutes les conditions. «Nous respectons les règles du jeu», insiste Ibraimi Ibraim, qui s’occupe de la cafétéria. «J’aimerais qu’on se souvienne que nous venons d’une région où plusieurs religions cohabitent.»
Face à la manifestation, l’association a décidé de se faire discrète, respectant «le droit de chacun à exprimer son opinion». Samedi, elle se tiendra à distance du centre. Centre sur le toit duquel trône le gabarit en bois d’un éventuel futur minaret, symbole des turbulences qui agitent les lieux depuis quatre ans.
Anne Fournier dans le Temps
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire