vendredi 30 juillet 2010

Berne sursoit au renvoi de l’ex-policier chinois vers l’Italie

Coup de théâtre dans l’affaire Abudureyimu. Après son refus d’embarquer sur un vol à destination de Rome, il pourrait bénéficier d’une procédure d’asile. Il est de retour à Neuchâtel.

«La police m’a dit: à Rome tu seras libre. J’ai dit non, que j’utiliserai des moyens extrêmes pour ne pas y aller. Alors la police m’a dit: tu peux ne pas aller à Rome, mais tu dois retourner à Neuchâtel.» Joint par téléphone au centre de détention administratif de Frambois près de l’aéroport de Genève, Nijiati Abudureyimu avait l’espoir hier soir qu’un nouveau chapitre puisse s’ouvrir pour lui en Suisse.

Après son refus le matin même d’embarquer volontairement sur un vol à destination de Rome, l’ex-policier chinois d’origine ouïgoure qui dénonce un trafic d’organes sur les condamnés à mort dans son pays (LT du 28.07.2010) ne peut plus être renvoyé vers l’Italie, son premier pays de transit en Europe où il s’estime en danger du fait de la présence d’une forte communauté chinoise et du manque de structures d’accueil. Le délai de réadmission vers ce pays, en accord avec la procédure dite de Dublin, expirait en effet le 29 juillet.

Les portes de l’asile s’ouvrent-elles pour autant à ce témoin sensible dont l’Office fédéral des migrations (ODM) avait refusé d’examiner la requête en raison de questions de procédure? Pas encore. «Il y a désormais deux possibilités, explique Michael Glauser, le porte-parole de l’ODM. Nous allons d’abord réexaminer la possibilité de faire une demande d’un nouveau délai de renvoi auprès de l’Italie. Si elle accepte nous organiserons un nouveau vol. Si elle refuse, nous entrerons alors dans une procédure d’asile.» S’il n’obtient pas l’asile, Nijiati Abudureyimu devrait théoriquement être renvoyé vers la Chine. Débordée, l’Italie ne répond jamais aux sollicitations de la Suisse pour des réadmissions de demandeurs d’asile dans le cadre des accords de Dublin.

Le conseiller d’Etat Frédéric Hainard, responsable des questions de migrations à Neuchâtel, a décidé hier en fin de journée de placer Nijiati Abudureyimu dans l’un des deux centres d’accueil de requérants de son canton, estimant qu’il ne pouvait pas le priver davantage de sa liberté (lire ci-dessous).

«Il s’agit manifestement de quelqu’un qui doit obtenir l’asile, estime Yves Brutsch, le porte-parole pour les questions d’asile du Centre social protestant (CSP) de Genève. S’il devait être renvoyé en Chine, il serait menacé de persécution. Il a des choses importantes à dire à la communauté internationale. C’est un cas particulier.» Yves Brutsch rappelle que même dans le cadre des accords de Dublin la Suisse peut très bien traiter la demande d’un tel requérant. «C’est une question de volonté politique», poursuit Yves Brutsch.

Michael Glauser n’était pas en mesure hier de dire si d’autres Chinois ou Ouïgours avaient par le passé bénéficié de l’asile en Suisse. Il précise toutefois que le cas de Nijiati Abudureyimu ne peut pas être comparé à celui des deux Ouïgours, anciens détenus de Guantanamo, que la Confédération avait accepté d’accueillir en début d’année à la demande des Etats-Unis. «Il s’agit de deux procédures différentes, nous expliquait-il dans un mail la semaine dernière. Le Conseil fédéral avait décidé d’accueillir à titre humanitaire deux Ouïgours de nationalité chinoise qui étaient détenus depuis plusieurs années par les Etats-Unis à Guantanamo sans avoir été accusés ni condamnés afin de contribuer à la fermeture du camp américain, camp qu’il avait précédemment jugé comme étant non conforme au droit international.»

Peut-on parler avec Nijiati Abudureyimu d’un cas humanitaire? C’est ce que l’ex-policier défend. Il est venu en Suisse, explique-t-il, pour chercher protection et pouvoir témoigner de ce qu’il a vu sur les champs d’exécution de condamnés à mort à Urumqi, le chef-lieu de la Région autonome du Xinjiang peuplée de musulmans au nord-ouest de la Chine.

«Je ne sais pas ce qui va se passer maintenant, expliquait hier soir Nijiati Abudureyimu. Mon retour à Neuchâtel est une bonne nouvelle. Mais il me faut un avocat et j’ai besoin de 3000 francs.»

Frédéric Koller dans le Temps

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