Les Suisses sont irrités par la relative impunité dont ont pu jouir des étrangers ayant triché ou dérapé dans notre pays ces dernières années.
Les cas d’abus crasses à l’aide sociale et aux procédures d’asile et la petite délinquance urbaine causent de grands dégâts dans l’opinion quand leurs auteurs ne sont pas sanctionnés, ou à peine. La spécialisation de certains immigrés de passage en Suisse dans la revente de drogue en toutes petites quantités sans que la police puisse les renvoyer dans leur pays d’origine faute d’une coopération efficace de ce dernier n’est pas une légende. Ces histoires ont gonflé l’exaspération des Suisses, et l’UDC a exploité le filon pour durcir les lois sur l’asile et les étrangers. Selon un schéma classique, le parti national conservateur a imposé le thème du renvoi des étrangers délinquants. Ainsi le contre-projet décidé par les Chambres fédérales, qui a le mérite d’être plus précis et moins arbitraire que l’initiative grossière de l’UDC, en reprend les principaux objectifs. Les Suisses pourront choisir entre les deux textes, et l’on peut déjà pronostiquer la validation d’un nouveau tour de vis.
A l’inverse, il n’existe guère de compréhension dans le public pour la sévérité avec laquelle l’Office fédéral des migrations statue sur la régularisation des «cas de rigueur». Le bras de fer entre Genève et la Confédération au sujet d’un Kosovar arrivé en Suisse il y a vingt ans projette une lumière crue sur une doctrine étriquée et une pratique discutable.
La jurisprudence sur les cas de rigueur ne tient pas compte de la durée du séjour et n’accorde guère de poids à l’intégration. Le crime d’avoir séjourné sans titre de séjour valable pèse davantage que la somme des efforts consentis pour relever avec succès le défi d’une autonomie économique et durable. Comme d’autres compatriotes des Balkans, le Kosovar Musa Selimi est arrivé en Suisse avec l’espoir légitime d’obtenir un permis de saisonnier à convertir un jour en permis B. Puis Berne a changé les règles du jeu mais la Suisse manquait toujours de main-d’œuvre pour des travaux peu qualifiés, comme dans la restauration. Musa Selimi est donc resté, a su se rendre indispensable, toujours avec un contrat déclaré, donc en payant impôts et charges sociales, des contributions prélevées à la source. On est aux antipodes d’un abus à l’aide sociale.
Il est des cas où le bon sens doit l’emporter sur le juridisme étroit. C’est aussi ce que souhaitent une majorité de Suisses, on peut le pronostiquer sans risque.
François Modoux dans le Temps
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