mardi 1 juin 2010

Le racisme plus présent, plus violent

Le rapport annuel de la Commission nationale consultative des droits de l’homme, rendu public hier, dresse un constat alarmant de l’état de la xénophobie en France

« On assiste à une augmentation préoccupante du nombre de manifestations racistes », constate Marc Leyenberger, rapporteur de la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH). Au total, 1 026 actes ont été décomptés en 2009, contre 467 en 2008, soit une hausse de 11,6 %, selon le rapport 2009 sur la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie, présenté hier par la CNCDH.

UNE TOLÉRANCE CROISSANTE AU RACISME

Le passage à l’acte semble aussi un phénomène croissant. Le nombre de violences est passé de 97 en 2008 à 220 en 2009, dont 59 % sur des personnes physiques. Les menaces et actes d’intimidation ont atteint le chiffre de 806 en 2009, contre 370 l’année précédente. Cette « flambée » ne traduit pourtant qu’une partie de la réalité. Les chiffres utilisés par la CNCDH, qui sont fournis pas le ministère de l’Intérieur, sont presque exclusivement basés sur les dépôts de plainte dans les commissariats et les gendarmeries. Ils laissent de côté les très nombreux cas dans lesquels « les victimes du racisme hésitent encore à dénoncer les violences, menaces ou intimidations subies ».

« Comme les années précédentes, les membres de la communauté maghrébine sont les plus touchés », puisqu’ils ont subi un peu plus de 30 % du volume global des violences et des menaces racistes, note le rapport de la CNCDH. L’antisémitisme a aussi connu une hausse importante. Les menaces et actes de violence contre la communauté juive ont ainsi augmenté de 77,5 % par rapport à 2008, notamment au début de 2009, en lien avec l’offensive israélienne sur Gaza.

« Les Français justifient de plus en plus les actes racistes », s’alarme Marc Leyenberger. Le sondage réalisé à la demande de la CNCDH montre une chute de près de 10 % du nombre de personnes demandant une condamnation pénale pour les délits de xénophobie – sauf à l’égard des Noirs, pour lesquels le chiffre a au contraire augmenté. Paradoxalement, alors qu’au fil des ans, un nombre croissant de sondés se déclare « pas raciste », beaucoup, « lorsqu’on en vient à des cas particuliers, semblent avoir tendance à trouver des justifications à la manifestation du racisme ».

TENSIONS EXACERBÉES PAR LA CRISE

Ainsi, une part croissante de Français – 8 points de plus qu’en 2008 – se dit d’accord avec l’affirmation selon laquelle « il y a trop d’immigrés aujourd’hui en France ». Ils sont 50 % à estimer que les difficultés d’intégration sont d’abord le fait du manque d’effort des personnes d’origine étrangère. « Tout cela est lié à un contexte économique dans lequel les immigrés et les étrangers redeviennent le réceptacle du malaise social », souligne le rapporteur. La crise économique a exacerbé la compétition et les ressentiments propices au racisme. Ainsi, « les personnes défavorisées économiquement ou celles qui sont le moins diplômées ont plus tendance à se déclarer racistes  ». Mais les membres de la CNCDH se sont aussi inquiétés de « la montée des expressions du racisme dans les milieux politiques et véhiculés par les médias ». Ils constatent « une dérive dans le langage », qui finit par rendre normal l’utilisation de termes qui nourrissent le racisme.

Un article signé Camille Bauer dans l’Humanité

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