En Suisse, seule une dizaine de femmes porteraient le voile intégral. Mais aussi quelques touristes fortunées particulièrement attirées par Genève ou Montreux. Un article signé Caroline Zuercher dans 24 Heures.
«Ce serait un très mauvais signe.» Harry John, directeur de Montreux-Vevey Tourisme, redoute que la Suisse n’interdise le voile intégral, comme le préconise le Grand Conseil argovien. Car s’il n’y a qu’une dizaine de femmes portant le niqab dans notre pays, ce vêtement est aussi revêtu par quelques touristes du Golfe, particulièrement attirées par Genève, ses fêtes, et la Riviera vaudoise. «D’un côté, on veut faire des affaires avec ces pays. Mais de l’autre, on leur pose des interdits. Dans le tourisme, nous avons besoin de tolérance.»
Selon Harry John, ces habitués des quatre ou cinq-étoiles dépensent, en moyenne, deux fois plus que les autres vacanciers. Dans les boutiques chics, on reste toutefois discrets. «Il m’arrive de servir des femmes entièrement voilées, explique la patronne d’un magasin de prêt-à-porter genevois. Souvent, ce sont de bonnes clientes, elles dépensent facilement plusieurs centaines de francs.»
Si des hôteliers évoquent le risque de voir les touristes privilégier d’autres destinations, Jean-Pierre Jobin, président de Genève Tourisme, relativise: «Mon sentiment, c’est que de nombreuses personnes profitent de venir à Genève pour avoir plus de liberté.» Estimant que beaucoup de femmes laissent le niqab dans leur valise, le Genevois s’inquiète davantage du sentiment grandissant d’insécurité ou de la date du ramadan, qui se rapproche des Fêtes de Genève.
Aujourd’hui, dans les cantons de Genève et de Vaud, le port d’un masque est interdit dans le cadre de manifestations. Les agents ne s’en prennent donc pas aux touristes. Mais que se passerait-il si une règle fédérale bannissait le niqab de la voie publique? Pour mémoire, les Démocrates suisses ont convaincu lundi le Grand Conseil argovien de préparer une telle proposition pour la transmettre à Berne.
Lüscher prêt à demander une exception
«Nous n’avons pas à interférer s’agissant des touristes», s’exclame la conseillère nationale Martine Brunschwig Graf (PLR, GE). Egalement opposé à une interdiction sur la voie publique, Christian Lüscher (PLR, GE) précise que, si le parlement devait la voter, il demanderait une exception pour les vacanciers. L’UDC valaisan Oskar Freysinger ne pense pas différemment. Dans sa motion «Bas les masques!», il demande de bannir les visages cachés dans les manifestations et les transports publics, ainsi que devant les autorités. Cette formulation ne vise pas les touristes du Golfe, précise-t-il.
Bannir le voile intégral, mais tolérer les niqabs Chanel, n’est-ce pas un peu cynique? «Contrairement aux résidents, les personnes qui viennent quelques semaines chez nous n’ont pas à s’intégrer», répond Christian Lüscher .
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5,6% de parts de marché à Genève
Les touristes originaires des pays du Golfe ne représentent qu’une petite partie des vacanciers étrangers se rendant en Suisse (environ 400 000 nuitées par an). Mais l’arc lémanique est prisé de ces touristes, qui choisissent en général les mois de juin, juillet, août, voire septembre pour se rendre sur la Riviera ou à Genève.
Avec 5,6% de parts de marché (148 000 nuitées), le Golfe a même constitué, en 2009 à Genève, la cinquième provenance des touristes, derrière la Suisse, la France, la Grande-Bretagne et les Etats-Unis.
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