vendredi 9 avril 2010

L’accueil des mendiants roms, un casse-tête pour la Ville

De nombreux Roms ont été hebergés cet hiver dans les locaux de la PC. Que faire d'une communauté déclarée indésirable par l'Etat? Un article d’Olivier Chavaz dans le Courrier.
A l'issue d'un hiver particulièrement rude et long, la Ville de Genève a fermé les portes de son dispositif d'accueil de nuit il y a une semaine. Près de 14 000 nuitées ont été enregistrées du 5 novembre au 2 avril, soit une hausse de «10 à 15%» par rapport à 2008-2009. Cette année, les Roms, de Roumanie et d'ailleurs, représentent plus d'un tiers des bénéficiaires (342 sur 969 personnes différentes). Dans un contexte très hostile à cette communauté, les autorités municipales marchent sur des oeufs pour concilier leur politique d'aide aux plus démunis avec les mesures anti-mendiants mises en oeuvre par le canton. Si les Roms adultes fréquentent l'abri PC des Vollandes depuis plusieurs années, l'arrivée d'un nombre important d'enfants a en revanche surpris le Service social de la Ville. «C'est clairement une nouveauté. Nous avons accueilli 57 mineurs, dont des enfants en bas âge», indique Philippe Bossy, responsable du secteur exclusion. Cet afflux a poussé la municipalité à ouvrir un deuxième abri à la rue du XXXI-Décembre pendant cinquante nuits. Jusqu'à fin janvier. Car après l'annonce du Conseil d'Etat sur la protection des enfants impliqués dans la mendicité (prise en charge par le Service de protection des mineurs et scolarisation), ce jeune public a disparu du jour au lendemain. Selon les connaisseurs de la communauté, il y a de grandes chances qu'ils réapparaissent avec les beaux jours et les vacances d'été.
Quotas discriminatoires?
Reste que la politique relativement généreuse de la Ville envers les Roms a aussi ses limites. «Ils se sont vu attribuer des quotas – cinq nuits de suite en abri, contre dix pour les autres – et nos membres ont dû intervenir à plusieurs reprises pour que des gens ne passent pas la nuit au froid», explique Dina Bazarbachi, présidente de Mesemrom. L'association genevoise de soutien aux Roms réclame l'abolition de cette discrimination. Tout en reconnaissant qu'en pratique ces litiges ont été réglés après négociation avec le Département municipal de la cohésion sociale, de la jeunesse et des sports (DCSJS). «Manuel Tornare a toujours répondu positivement à nos appels», se réjouit Dina Bazarbachi.
Pour Sami Kanaan, bras droit du conseiller administratif socialiste, ces quotas – «indicatifs» – répondent d'abord à un souci de gestion de la structure d'accueil. «Le problème n'est pas propre aux Roms, il se pose avec tous les groupes», assure-t-il. Si un groupe homogène prend trop de place, la cohabitation avec les autres sans-abri peut se révéler difficile dans un espace réduit tel que l'abri PC. Enfin, au-delà de cette question d'équilibre, la Ville est également forcée de composer avec la vision de l'Etat. Or celle-ci vise clairement à dissuader l'installation durable de Roms sur le territoire genevois. «Nous essayons de nous y adapter», résume Sami Kanaan.
Campements sauvages détruis
D'où des signaux pouvant paraître contradictoires. «Le jour de la fermeture des abris, une vaste opération de destruction des campements sauvages roms a été lancée. Des tentes, des matelas et des bagages ont fini à la benne alors qu'il faisait encore très froid», déplore Dina Bazarbachi. Ces actions régulières sont menées par le Département municipal de l'environnement urbain et de la sécurité de Pierre Maudet, en collaboration avec la gendarmerie. Selon Sami Kanaan, ces actions sont inévitables, car il n'est pas possible de laisser fleurir les bivouacs sur le domaine public. «Globalement, on constate qu'on a beau prendre toutes les décisions censées décourager la présence des Roms, ils sont toujours là!» lâche tout de même le directeur du DCSJS.
Pragmatique, la Ville entend ainsi renforcer ses connaissances sur les diverses composantes de la communauté rom, leur provenance, leurs habitudes, leur fonctionnement et leurs aspirations. Dans ce but, un mandat d'étude est actuellement en négociation avec le Département de sociologie de l'université. Des échanges sont également planifiés avec des municipalités et des associations de la région française limitrophe.
Pour Philippe Bossy, «l'une des questions est de savoir ce qu'un service social comme le nôtre peut faire pour ce public particulier, notamment caractérisé par sa grande mobilité». «On peut aussi par exemple se demander s'il est nécessaire et utile de renforcer l'aide chez eux. Pour cela, nous aimerions avoir un peu de recul par rapport à la problématique», précise Sami Kanaan.

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