mercredi 14 avril 2010

La crise économique fait le jeu de l’extrême droite en Hongrie

Le parti Jobbik devrait faire son entrée au parlement. Une épreuve délicate pour les conservateurs qui dirigeront le prochain gouvernement.

Après le Danemark, les Pays-Bas et l’Italie, l’extrême droite marque des points en Europe centrale. Avec 16,7% des voix au premier tour des législatives hongroises, le Jobbik, une formation ouvertement xénophobe et antisémite, est assuré de faire son entrée au parlement à l’issue du second tour, prévu le 25 avril.

Sa percée ne constitue pas vraiment une surprise. Aux européennes de juin 2009, le parti avait déjà séduit 14, 8% des votants. La performance enregistrée dimanche confirme la tendance. Le Jobbik, qui représentait en 2006 2% des électeurs, se hisse maintenant au troisième rang des partis hongrois, à moins de trois points des socialistes du MSZP, les grands vaincus du scrutin.

Son succès s’analyse à la fois comme un vote de protestation contre la médiocre situation économique du pays et comme une manifestation de défiance envers une classe politique jugée incompétente, arrogante et corrompue. En ce sens, la stratégie du parti et de son jeune leader, Gabor Vona, 31 ans, ne s’éloigne guère de celle qui réussit ailleurs au Front national français ou à la Ligue du Nord italienne.

Antisémitisme revendiqué

Les tenants de l’extrême droite hongroise se distinguent davantage par la stigmatisation virulente des multinationales, des investisseurs étrangers, de «l’alliance entre New York et Tel-Aviv». Par un antisémitisme revendiqué. Par l’exécration des populations tsiganes: «L’animosité entretenue contre les Roms confère au parti une bonne part de sa singularité», observe Zoltán Bécsi, professeur associé au Geneva School of Diplomacy and International Relations. Il convient d’ajouter aussi le déploiement des miliciens tout de noir vêtus de la garde hongroise: un passé condamné à «hiberner» sous le régime communiste refait surface, ajoute M. Bécsi.

Le phénomène ne doit pas être pris à la légère, estime-t-il: «Il y a dans le pays des forces convaincues que la démocratie ne fonctionne pas, qu’elle n’a pas sa place en Hongrie.»

C’est dire l’ampleur de la tâche du prochain gouvernement de droite. Fort de 52, 7% des voix au premier tour, le parti conservateur Fidesz exclut toute collaboration avec le Jobbik. Obtiendra-t-il, le 25 avril, la majorité des deux tiers, nécessaire pour mener à bien les réformes dont le pays a besoin?

JEAN-FRANÇOIS VERDONNET dans 24 Heures

Aucun commentaire: